Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a annoncé mardi l'ajournement d'une deuxième augmentation de TVA et la tenue d'élections générales anticipées pour relégitimer son action face à une récession qui dévalorise les "abenomics".
Après deux ans de discours triomphalistes aux quatre coins du monde, M. Abe est confronté à des difficultés intérieures qu'il va tenter d'endiguer en profitant de l'absence d'opposition.
Le chef du gouvernement de droite a reconnu être forcé de renoncer à élever de nouveau en octobre 2015 le taux de la taxe sur la consommation, après les remous créés par une première hausse en avril dernier.
C'est que les statistiques de croissance sont tombées et elles sont catastrophiques (-0,4% au troisième trimestre après -1,9% au deuxième).
"Malheureusement, comme l'ont montré les chiffres de produit intérieur brut (PIB) publiés lundi, la croissance n'est pas revenue", a déploré M. Abe.
Aucun économiste n'avait osé imaginer que le Japon rechuterait en récession après ce changement fiscal mal digéré.
C'est un coup dur pour M. Abe qui ne manquait pas de vanter à travers le monde la réussite de sa stratégie "abenomics" à trois flèches (budgétaire, monétaire, réformatrice).
Il se dit cependant persuadé que la politique jusqu'à présent menée reste valide, tout en donnant aux électeurs le pouvoir de décider de son sort en le reconduisant ou non.
Des élections générales pour renouveler les 480 députés de la chambre basse auront lieu en décembre, probablement le 14 compte tenu des délais légaux.
"Si la coalition au pouvoir ne conserve pas la majorité, cela signifiera que les abenomics sont rejetés et le cas échéant je démissionnerai", a déclaré M. Abe.
S'il est de nouveau élu, il promet en revanche d'oeuvrer au profit du bien-être des citoyens et pour les finances publiques afin de cesser de creuser indéfiniment la dette du Japon.
Outre le Fonds monétaire international (FMI) qui n'a cessé de plaider pour un deuxième tour de vis fiscal, le ministre des Finances, Taro Aso, et le gouverneur de la Banque du Japon ont aussi mis en garde contre une possible perte de confiance des marchés et de la communauté internationale dans la politique financière japonaise si les hausses d'impôts étaient sans arrêt différées.
"Il n'y aura pas de deuxième report de relèvement de la TVA, quelles que soient les circonstances économiques", a juré M. Abe mardi lors d'une conférence de presse, tout insistant sur le fait que cet engagement nécessitait le feu vert des citoyens.
- Conjurer le mauvais sort -
"C'est une dissolution de camouflage de l'échec des abenomics", s'est empressé de commenter un dirigeant du Parti Démocrate du Japon (PDJ, centre-gauche).
Il est vrai qu'il y a ne serait-ce que deux semaines, nul n'aurait songé à un tel scénario.
En septembre encore, le Premier ministre se félicitait d'avoir sorti le pays de l'ornière et promettait "de donner un nouvel élan à sa politique économique" via un remaniement.
Depuis tout va de mal en pis, comme si ce changement de têtes de l'exécutif, pour tenter de redresser une popularité fléchissante, avait incidemment créé une coupure: à peine nommées, deux de ses cinq nouvelles ministres ont dû démissionner.
Dans ce contexte, la convocation d'élections anticipées est perçue comme le moyen de conjurer ce mauvais sort.
M. Abe dirige depuis le début "avec l'idée d'une possible dissolution à un moment ou un autre", assure un analyste politique de la chaîne NHK, selon qui "maintenant est politiquement le meilleur moment".
Même si les groupes d'opposition se disent prêts à en découdre, le Parti Libéral-Démocrate (PLD) de M. Abe n'a en réalité pas grand chose à perdre selon les politologues, compte tenu de l'émiettement et du peu d'aura des autres formations et de leurs responsables.
"L'opposition est faible et divisée, au pire il perdra quelques sièges", mais le risque est moins grand maintenant que s'il attendait l'échéance normale dans deux ans, explique Robert Dujarric, directeur des études asiatiques de l'Université Temple.
S'il était reconduit après une victoire de son parti, M. Abe s'ouvrirait un nouvel horizon tranquille au moins jusqu'aux sénatoriales de 2016 afin de pouvoir faire passer les textes politiques qui lui tiennent le plus à coeur, sur la défense et la sécurité de l'archipel, confirme le politologue Harutaka Takenaka.