Poursuivi en justice pour ses rémunérations, l'ex-PDG du groupe du BTP Vinci, Antoine Zacharias, a justifié jeudi devant le tribunal correctionnel de Nanterre l'ampleur de ses avantages financiers et a reçu le soutien inattendu de son ancienne entreprise.
Patron emblématique de 1997 à 2006 d'un groupe qu'il a hissé au rang de numéro un mondial de la construction et des concessions, l'ex-dirigeant, âgé de 70 ans (bien 70) et retiré à Genève, encourt cinq ans de prison et 375.000 euros d'amende s'il est reconnu coupable d'abus de biens sociaux par la justice.
Mais ce premier "grand patron" à comparaître en France pour ses salaires est apparu déterminé à se défendre face aux accusations du parquet de Nanterre, en dépit de problèmes d'audition qui l'obligent à porter un appareil acoustique.
"S'il y a une chose qui n'est ignorée par aucun conseil d'administration, et ils n'en ignoraient pas une once, c'est la rémunération du patron", a soutenu M. Zacharias, costume gris métal à rayures blanches et petit bouc blanc au bout du menton.
Cette "transparence", l'avocat de Vinci, Me Georges Jourde, l'a également plaidée, devenant ainsi le meilleur défenseur de M. Zacharias, alors qu'officiellement, Vinci est partie civile dans le dossier.
Le parquet, qui a mené l'enquête, reproche à l'ancien PDG d'avoir "évincé" en mai 2004 les trois membres du comité de rémunération du groupe, dont Alain Minc, qui s'opposaient au déplafonnement de sa rémunération.
Quatre mois plus tard, le nouveau comité, présidé par le parlementaire britannique Quentin Davies, proposait que la rémunération du patron soit totalement indexée sur les résultats, une proposition adoptée par le conseil d'administration.
Le salaire annuel était passé de 2,9 millions d'euros en 2003 à 3,3 M EUR en 2004, puis 4,2 M EUR en 2005. Mais cela allait aussi avoir des répercussions en cascade sur l'indemnité de départ (12,8 M EUR) en 2006 et sur la retraite complémentaire annuelle (2,1 M EUR), calculés à partir des derniers salaires, lesquels venaient justement de flamber.
Antoine Zacharias a rappelé que lors des conseils d'administration (CA), tous les administrateurs avaient approuvé ces changements, y compris les membres de l'ancien comité des rémunérations.
"Quand ils (les membres du CA) votent en septembre 2004, ils savent tous ce que ça va faire", a appuyé l'avocat de Vinci.
Durant l'enquête, les membres de l'ancien comité des rémunérations étaient pourtant allés dans le sens de l'accusation en disant qu'ils avaient été "virés", "débarqués" ou "démissionnés" par M. Zacharias.
"Est-ce que vous les avez virés?", lui a alors demandé la présidente de la 15e chambre, Isabelle Prévost-Desprez.
"La réponse est clairement non!", a rétorqué le prévenu.
Et d'ajouter: "Pourquoi Minc ment, il faut le lui demander. Un jour il dit une chose, le lendemain il dit tout son contraire avec le même aplomb".
Lors de ce procès, ni le parquet, qui soutient l'accusation, ni la défense de M. Zacharias n'ont cité le moindre témoin, ce que n'a pas manqué de rappeler la juge Prévost-Desprez.
La présidente du tribunal a insisté sur le Britannique Quentin Davies, qu'elle a qualifié de "témoin majeur" mais de "grand absent" tout au long de la procédure.
Devenu secrétaire d'Etat à la Défense du gouvernement de Gordon Brown en octobre 2008, M. Davies n'a pas été entendu par les enquêteurs, le code de procédure pénale prévoyant une procédure spécifique, via le ministère des Affaires étrangères, dans ces cas-là.
Le procès reprend vendredi avec le réquisitoire du parquet.