Après le renouvellement en cours des TER, TGV et Intercités, les industriels du secteur ferroviaire s'alarment d'une baisse des commandes à partir de 2018, qui pourrait menacer au moins 15.000 emplois, et appellent les pouvoirs publics à clarifier leur positionnement.
La Fédération des industries ferroviaires (Fif) a fait état lors d'un comité stratégique organisé la semaine dernière, d'après un document obtenu par l'AFP, de "10.000 emplois industriels en risque dans la filière, plus de 15.000 au total, sans compter la baisse d'activité induite dans les services de proximité".
Les usines Alstom de Belfort, Aytré (Charente-Maritime) et Reichshoffen (Bas-Rhin) verraient notamment leur activité chuter.
La Fif anticipe qu'il n'y aura "plus d'activité sur Belfort à la fin du programme TGV en cours", et qu'"à la fin du TGV, Aytré n'a plus que du (tramway) Citadis". Quant à l'usine du constructeur Bombardier à Crespin (Nord), qui produit des TER, sa charge sera en "chute libre dès fin 2015".
Pour Jean-Pierre Audoux, secrétaire général de la Fif, "ce qui est dans les tuyaux, c'est que les niveaux de commandes publiques conduisent à perdre 15.000 emplois minimum, sur quatre à cinq bassins d'emploi. 40 rames de TGV ont été commandées, la production va jusqu'en 2019. Pour le reste, tout s'arrête en 2017".
La construction de TGV devrait décroitre à partir de 2017 et devenir nulle à partir de 2019, tandis que l'ingénierie sera désœuvrée dès 2015. Idem du côté des trains Intercités, TER et Transilien, qui verront même l'activité devenir quasiment nulle dès 2017, sans perspective d'amélioration.
La situation n'est pas meilleure pour la construction de locomotives, "nulle depuis 2013", ni pour celle de wagons de marchandises, "très limitée". Quant au transport urbain, seuls les métros connaissent un carnet de commandes à peu près stable.
Résultat, le chiffre d'affaires issu de la construction de trains devrait se réduire comme peau de chagrin, passant de 1,4 milliard d'euros en 2013 à 300 millions d'euros en 2018, selon les calculs de la Fif.
- Prendre des décisions 'très rapidement' -
"Au lendemain du Grenelle de l'environnement en 2009, on disait que les besoins étaient énormes. En quelques années, on a complètement changé de cap. Comment peut-on trouver normal qu'on ait eu de telles ambitions, et qu'aujourd'hui on dise +c'est la fin de l'histoire+?", s'étonne Jean-Pierre Audoux.
La Fif a ainsi appelé les pouvoirs publics, qui sont en charge des commandes de trains, à clarifier leur positionnement, et à prendre des décisions "très rapidement", comme lever des options sur des contrats de TER, transférer sur 2016-2017 une partie de la charge de travail prévue en 2014-2015, et maintenir un niveau minimum de production de TGV.
Elle plaide également pour la définition d'une "politique d'infrastructure", au niveau national : rénovations de lignes ferroviaires, constructions de lignes à grande vitesse, ou relance du fret ferroviaire.
Pour Jean-Pierre Audoux, le système ferroviaire français "prend l'eau de toute part", du fait de "l'augmentation de l'endettement, des subventions publiques et du maintien du niveau des pertes", et ce en dépit du diagnostic alarmiste qui avait été émis lors des assises nationales du Ferroviaire en 2011.
"La croissance du marché ferroviaire mondial est supérieure à 3%, est-ce que la France est une exception ? (…) Peut-on imaginer que l'industrie ferroviaire française soit brillante au niveau mondial, sans rien produire en France?", interroge-t-il encore.
L'industrie ferroviaire française compte, selon la Fif, environ 21.000 emplois directs, hors travaux de voie: 14.000 salariés pour le matériel roulant (2,55 milliards d'euros de chiffre d'affaires en 2013), 4.000 pour les équipementiers (532 millions d'euros) et 3.000 pour la signalisation (506,5 millions d'euros).
Un fonds d'investissement doté de 40 millions d'euros, Croissance Rail, a été créé en novembre 2013, pour soutenir les PME du secteur ferroviaire.