Le gouvernement grec, qui s'efforce de minimiser la menace d'asphyxie financière qui pèse sur le pays, espère trouver un peu d'oxygène ces jours-ci auprès de ses partenaires européens, à commencer par le plus intransigeant, l'Allemagne.
Malgré l'escalade verbale des derniers jours entre les deux pays, le Premier ministre grec Alexis Tsipras, appelé lundi matin au téléphone par la chancelière allemande Angela Merkel, a accepté une invitation à se rendre à Berlin lundi prochain, pour la première fois depuis son arrivée au pouvoir en janvier.
"La situation est sérieuse, la priorité est de continuer cette semaine à travailler sur les engagements de l'Eurogroupe du 20 février", a indiqué lundi à Bruxelles Margaritis Schinas, le porte-parole de la Commission européenne.
Les déclarations se sont succédé ces derniers jours sur l'urgence financière à laquelle est confrontée la Grèce, alors que les statistiques budgétaires publiées vendredi ont confirmé une baisse des rentrées d'impôts.
Dimanche cependant, le Premier ministre Alexis Tsipras a assuré "qu'il n'y a absolument aucun problème de liquidités", ou alors "insignifiants", selon le ministre des Finances Yanis Varoufakis, interrogé dimanche soir à la télé allemande ARD.
Lundi, Athènes a pu honorer le remboursement d'une tranche de 588 millions d'euros au FMI. Il lui faudra en verser encore environ 340 millions vendredi.
Alexis Tsipras mise sur une solution "au niveau politique d'ici la fin de la semaine", marquée jeudi et vendredi par un sommet européen des chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE.
Mais, a remarqué le porte-parole de la Commission européenne, "des discussions techniques sont en cours, y compris à Athènes (...) Avant de passer au niveau sommet, il faut laisser les experts travailler. La priorité maintenant est d'avancer sur cette voie".
Athènes espère obtenir un peu d'oxygène de la part de ses créanciers, qui attendent que de nouvelles réformes soient clairement lancées en Grèce avant de débourser les 7,2 milliards de prêts restant à verser au pays de la part de l'Europe. La Grèce souhaite notamment que la BCE lui verse rapidement 1,9 milliard d'euros correspondant à des intérêts sur des obligations grecques, et l'autorise à émettre davantage de bons du Trésor.
- "Respecter la dignité grecque" -
Les partenaires se montrent partagés.
Le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy a assuré "ne pas vouloir que la Grèce sorte de l'euro". Mais il a souhaité aussi qu'elle "respecte ses compromis comme nous le faisons tous".
En Inde, la directrice générale du FMI Christine Lagarde a dit à quel point elle "compatit fortement avec la population grecque", tout en appelant "vivement" aux réformes structurelles de l'économie, "car on ne peut pas vivre constamment à crédit".
Les hauts dirigeants de l'UE ont été les plus chaleureux. M. Tsipras n'aurait pas renié les propos du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui a déclaré "qu'on fait face à une crise humanitaire en Grèce" et qu'on doit "respecter la dignité grecque". Tout en respectant cependant le point de vue "des 18 autres démocraties" de la zone euro, et de telle façon que "l'intégrité de la zone euro sera préservée".
Le président du Conseil européen, Donald Tusk, a considéré pour sa part que le problème grec "n'est pas seulement une question de chiffres. Il y a aussi la géopolitique. Vous imaginez l'UE sans la Grèce?", a-t-il demandé, comparant la zone euro à une "famille", et qualifiant de "scenario stupide" l'hypothèse d'une sortie de la Grèce.
Il a cependant invité les Grecs à cesser de faire de leur créancier le plus intransigeant, l'Allemagne, leur "cible" privilégiée. Berlin est quotidiennement accusée d'avoir aggravé la situation sociale en Grèce par sa volonté d'imposer des réformes très dures en échange de l'aide au pays, tout en refusant de payer les réparations de guerre qu'Athènes estime dues pour les exactions des nazis.
La visite de M. Tsipras à Berlin pourrait apaiser les choses. L'interview de M. Varoufakis à ARD dimanche les avait encore aggravées: le ministre, apparemment pris de court, a qualifié de "trucage" une vidéo pourtant connue le montrant en 2013, quand il était encore économiste, faire un doigt d'honneur en évoquant l'Allemagne lors d'une conférence. M. Varoufakis a prétendu que le geste avait été "ajouté", déclenchant une enquête de la chaîne qui a infirmé sa version.