par Chine Labbé
PARIS (Reuters) - "Des indices circonstanciés" confirment la participation d'au moins un Français aux décapitations, par des djihadistes de l'Etat islamique (EI), de prisonniers syriens, dans une vidéo diffusée dimanche, a déclaré lundi le procureur de Paris.
Maxime Hauchard, 22 ans, est originaire de l'Eure, en Normandie, et avait rejoint la Syrie en août 2013, après deux séjours en Mauritanie. Un second Français "pourrait" être impliqué, a ajouté François Molins, précisant qu'il était encore trop tôt pour l'affirmer.
"Des indices circonstanciés confirment l'implication d'un Français dans la décapitation de prisonniers syriens montrée dans une vidéo du groupe Etat islamique", a-t-il indiqué lundi dans un communiqué.
"Outre Maxime Hauchard, un second individu français pourrait être impliqué mais il est encore trop tôt pour l'affirmer", a-t-il ajouté lors d'un point presse, précisant qu'il pourrait s'agir d'un jeune converti né en 1992 et parti rejoindre l'Etat islamique en août 2013.
La section antiterroriste du parquet de Paris a en conséquence ouvert lundi une information judiciaire visant ces deux jeunes pour assassinats en bande organisée en relation avec une entreprise terroriste et association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes de terrorisme.
Dans une vidéo diffusée dimanche, des djihadistes de l'EI égorgent une quinzaine de prisonniers syriens, présentés comme des soldats fidèles au président Bachar al Assad.
Sur celle-ci, Maxime Hauchard apparaît à visage découvert, contrairement au djihadiste que la presse britannique a surnommé "John le djihadiste" et qui a été identifié comme étant l'auteur de plusieurs décapitations filmées.
"SOUS COUVERT D'ACTION HUMANITAIRE"
Le jeune Français, connu des services de renseignement depuis 2011 pour son appartenance à la mouvance radicale de la région Rouen, avait donné une interview via Skype en juillet dernier à BFM TV depuis Rakka, en Syrie.
Dans cet entretien, il indiquait s'être converti à l'islam et autoradicalisé sur internet, à 17 ans, et s'être rendu seul en Syrie. Il disait se préparer à partir en mission et s'attendre à mourir. "La mort, on l'attend avec joie."
Entre octobre 2012 et mai 2013, il a effectué deux séjours en Mauritanie où il a suivi un enseignement coranique dans des établissements d'obédience salafiste, a indiqué lundi le procureur de Paris. "Il était rentré de Mauritanie se disant déçu et considérant que l'enseignement prodigué (...) n'était pas assez radical à son sens."
Il faisait l'objet d'une enquête préliminaire qui a permis d'interpeller la semaine dernière un jeune homme qui était en contact avec lui et montré qu'il avait rejoint la Syrie "sous couvert d'action humanitaire."
"En réalité, comme d'autres, l'humanitaire n'était qu'une façade, et il apparaît clairement au contraire qu'il avait bien pris part aux combats et fait allégeance à l'Etat islamique", a précisé François Molins, soulignant qu'il avait posté des photos de lui en tenue de combat sur Facebook en mars 2014 puis exhorté des candidats au djihad à venir le rejoindre, en août.
APPEL AUX JEUNES
Dans la vidéo diffusée dimanche sur internet, les djihadistes revendiquent l'assassinat de Peter Kassig, un travailleur humanitaire américain de 26 ans enlevé en octobre 2013 en Syrie. Barack Obama a confirmé dimanche sa mort.
Il s'agit du cinquième otage occidental décapité par l'Etat islamique depuis les premières frappes aériennes américaines en Irak contre le groupe d'Abou Bakr al Baghdadi.
Le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve a lancé lundi un appel aux jeunes Français qui ne cessent de grossir les rangs des djihadistes présents en Syrie et en Irak.
"Au-delà de la condamnation de ces crimes innommables, j'appelle solennellement et avec gravité tous nos compatriotes et notamment les plus jeunes qui sont la cible privilégiée de la propagande terroriste, à ouvrir les yeux sur la terrible réalité des actions de Daech et de ses groupes affiliés qui asservissent, qui martyrisent et qui tuent", a-t-il dit.
Quatre-vingt treize procédures judiciaires visent des Français djihadistes présumés, a indiqué lundi le procureur de Paris, évoquant un contentieux "dont l'ampleur est inédite". En tout, 109 personnes ont été mises en examen, et 76 d'entre elles ont été écrouées.
Quelque 1.132 Français sont impliqués dans les filières de départs vers la Syrie et l'Irak, qu'ils soient sur place, en transit ou revenus. Ils sont 376 dans la zone, dont 88 femmes et 10 mineurs.
(édité par Yves Clarisse)