Les règles de l'assurance chômage, annulées par le Conseil d’État en octobre, ont été corrigées vendredi par les partenaires sociaux, ce qui laisse le terrain libre pour les prochaines négociations sur la future convention, prévues début 2016.
L'application de l'actuelle convention, entrée en vigueur au 1er juillet 2014, est désormais garantie jusqu'à son terme initialement prévu, fin juin 2016.
"Nous avons déblayé le terrain, cela va nous permettre d'aborder en temps et en heure la négociation de la prochaine convention d'assurance chômage", qui devrait débuter fin janvier-début février 2016, s'est félicité Jean-François Pilliard, négociateur du Medef, à l'issue d'une réunion avec les syndicats.
Le 5 octobre, le Conseil d’État, saisi par des associations de chômeurs et la CGT, avait annulé l'ensemble de la convention d'assurance chômage, fruit d'un accord entre le patronat et trois syndicats (CFDT, FO, CFTC).
Au cœur de la décision de la haute juridiction: l'"illégalité" des modalités de calcul du différé d'indemnisation, c'est-à-dire la période d'attente pour un chômeur avant de percevoir ses allocations.
Ce mécanisme lèse certains salariés ayant obtenu réparation aux Prud'hommes après un licenciement abusif, en l'occurrence ceux qui ont moins de deux ans d'ancienneté, ou ceux qui travaillaient dans une entreprise de moins de onze salariés: pour calculer leur différé, l'assurance chômage prend en compte la totalité de leurs dommages et intérêts. L'ensemble de leur indemnité étant "absorbée" par le différé, cela peut les dissuader d'aller devant les Prud'hommes.
Le patronat et les trois syndicats signataires de la convention vont donc signer un avenant au texte, qui prévoit d'exclure à l'avenir "l'ensemble des sommes allouées par le juge prud'homal de l'assiette du calcul du différé". Cette nouvelle disposition prendra effet au plus tard le 1er mars 2016 et ne sera pas rétroactive.
- Mayotte aligné sur la métropole -
"C'était une question de justice sociale car il y avait une différence de traitement entre les salariés des petites entreprises et les autres", a réagi Patricia Ferrand, présidente (CFDT) de l'Unédic, l'organisme gestionnaire de l'assurance chômage.
"On est contents ; cela fait vingt ans qu'il y avait un problème de légalité sur ce point", a commenté pour sa part Stéphane Lardy, de FO.
Au total, un millier environ de dossiers seraient concernés. Cela représentera un manque à gagner pour l'assurance chômage d'une dizaine de millions d'euros par an.
Les partenaires sociaux ont également dû supprimer deux autres dispositions retoquées par le Conseil d’État: le recouvrement par retenue automatique des allocations d’assurance chômage indûment versées par Pôle emploi, et les sanctions pour les périodes de travail non déclarées.
Sur ces deux points, la haute juridiction a estimé que les partenaires sociaux n'avaient pas la compétence pour instaurer un tel dispositif. Ils s'apprêtent donc à envoyer une lettre aux pouvoirs publics leur demandant de trouver la législation adéquate. "A l’État maintenant de prendre ses responsabilités", a dit M. Pilliard.
Pour les périodes de travail non déclarées, le manque à gagner pourrait être, au maximum, de 100 millions d'euros, pendant la période de transition entre la décision du Conseil d’État et la future règlementation. "C'est une somme théorique", selon Antoine Foucher, du Medef.
Les partenaires sociaux ont par ailleurs modifié les règles de l'assurance chômage en vigueur à Mayotte, devenu le 101e département français en 2011. L'île de l'Océan indien, où le taux de chômage est élevé (plus de 19%), bénéficie pour l'instant d'un régime spécifique.
La convergence progressive vers le régime de la métropole devrait permettre de tripler le nombre d'allocataires de l'assurance chômage, actuellement estimé à 1.200 par an (en flux), en assouplissant les conditions d'affiliation, et d'améliorer leurs droits via l'allongement de la durée d'indemnisation. "Cette approche permet de répondre à un chômage élevé, sinon on développe le travail au noir", a commenté M. Pilliard.