Le Japon peut se féliciter d'avoir fini 2016 sur un quatrième trimestre d'affilée de croissance, une série inédite depuis 2013, mais le rythme a ralenti au fil de l'année et les perspectives sont mitigées dans un monde tenté par le protectionnisme.
Au cours des mois d'octobre à décembre, le produit intérieur brut (PIB) a augmenté de 0,2% par rapport à celui de juillet-septembre, selon les chiffres préliminaires annoncés lundi par le gouvernement.
Ces statistiques sont légèrement inférieures aux estimations des analystes interrogés par l'agence financière Bloomberg News (+0,3%). C'est aussi moins bien que les trimestres précédents (+0,6% sur janvier-mars, +0,4% sur avril-juin, +0,3% sur juillet-septembre), donnant l'impression d'un essoufflement.
La troisième économie mondiale, qui a dégagé sur l'ensemble de 2016 une croissance de 1% (après +1,2% en 2015, chiffre révisé positivement), a surtout bénéficié d'un rebond des exportations, en particulier en fin d'année, grâce à une amélioration en Asie.
Au quatrième trimestre, le commerce extérieur a apporté une contribution positive au PIB de 0,2 point.
Si la consommation des ménages a stagné, confirmant la frilosité des Japonais à dépenser, par anxiété pour l'avenir, l'activité a par ailleurs été portée par un rebond de l'investissement des entreprises (+0,9%), à la faveur d'un récent affaiblissement du yen, un atout pour les groupes exportateurs nippons.
Cependant, "les compagnies japonaises vont probablement rester sur leurs gardes en raison de la montée du protectionnisme dans le monde", commentait dans une note publiée avant l'annonce des chiffres du PIB Toru Suehiro, économiste chez Mizuho Securities.
L'entente affichée ce week-end par le Premier ministre nippon Shinzo Abe et le président américain Donald Trump lors d'un sommet à Washington, suivi d'une partie de golf en Floride, a pu apaiser dans l'immédiat l'inquiétude du monde des affaires japonais, mais de nombreuses incertitudes demeurent à plus long terme sur les relations commerciales entre les deux pays.
- Retour à la réalité -
Les sujets qui fâchent n'ont pas été abordés, en particulier la question des devises. Mais Tokyo pourrait bientôt se réveiller avec la gueule de bois, prévient Tohru Sasaki, de JPMorgan, dans une note citée par Bloomberg. "Le Japon va bientôt se rendre compte que le paisible week-end en Floride est terminé et va vite revenir à la réalité", dit-il.
"Il s'agissait de la première rencontre Trump-Abe depuis l'investiture du président américain. Le Japon a pris soin de ne pas ruiner ses liens avec son précieux allié mais, dans les négociations à venir, je ne serais pas surpris si les Etats-Unis élevaient de nouveau la voix", renchérit Kohei Iwahara, chez Natixis Japan Securities, interrogé par l'AFP.
Pour 2017, l'avis est unanime: une croissance vigoureuse paraît peu probable, selon les analystes.
"La question est de savoir si l'élan actuel des exportations va se poursuivre", relève M. Iwahara.
Quant à la demande intérieure, elle ne décolle pas, plus de quatre ans après le lancement de la stratégie de relance "abenomics", qui mêle largesses budgétaires, politique monétaire ultra-accommodante et promesse de réformes structurelles.
La hausse des salaires et primes reste en effet insuffisante dans un marché du travail à deux vitesses, partagé entre emplois précaires et à temps plein, un problème régulièrement soulevé par le Fonds monétaire international (FMI).
Or, "tant que la consommation des ménages ne se réveille pas, il est difficile d'imaginer la croissance s'accélérer", souligne pour Bloomberg Izumi Devalier, économiste en chef de Merrill Lynch Japan Securities.
En outre, le repli du yen et la remontée des cours du pétrole pourraient peser sur le pouvoir d'achat des Japonais, prévient M. Iwahara. Selon lui, la croissance sera cependant sauvée en 2017 par les investissements publics mis en oeuvre dans le cadre du massif plan de relance annoncé l'été dernier par le gouvernement Abe, décidé à ne pas laisser mourir ses "abenomics".