Encadrement des loyers, sanctions renforcées pour les locations de type Airbnb et les marchands de sommeil: le marathon de la réforme du logement a touché à sa fin après 88 heures d'échanges à l'Assemblée, non sans tensions dans la nuit de vendredi à samedi.
Au neuvième jour des débats entamés le 30 mai, les députés ont achevé vers 3H15 l'examen en première lecture de ce projet de loi "Élan" (évolution du logement et aménagement numérique), qui vise, selon le gouvernement à "construire plus, mieux et moins cher" et "améliorer le quotidien des Français". Le vote global est programmé mardi.
Pour faire face à quelque 3.000 amendements, le recours au "temps législatif programmé" avait été décidé pour tenter de limiter la durée globale des discussions des groupes. Des non-inscrits ont dénoncé une forme de "guillotine" coupant leur expression. "Messieurs les censeurs, bonsoir", a lancé Jean Lassalle.
La fin vendredi soir du temps de parole accordé aux communistes, et l'impossibilité pour les socialistes de reprendre les amendements de leurs collègues, ont entraîné de nouvelles escarmouches.
La présidente du groupe Nouvelle Gauche Valérie Rabault a demandé des scrutins par voie électronique, et non à main levée, sur chaque nouvel amendement pendant un temps.
"J’apprends la puérilité parlementaire qui conduit aux moments les + stupides de ma 1ère année de mandat", a déploré sur twitter Eric Bothorel (LREM), réclamant "vite la réforme" de l’Assemblée. Mais le groupe majoritaire a ensuite également demandé ces scrutins au pupitre, demandant davantage de temps.
"Crise" avec encore près de 200 amendements à examiner à 1H00 du matin, s'est exclamé Thibault Bazin (LR) sur le même réseau social, déplorant l'absence du secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement.
Dans une Assemblée au bord du surmenage, avec un pic d'activité depuis début mai, "jamais observé" selon l'association Regard citoyens, décision a été prise de ne pas siéger un troisième week-end consécutif.
- Débats "parfois assez durs" -
Le ministre de la Cohésion des territoires Jacques Mézard, au banc avec le secrétaire d'Etat Julien Denormandie, avait anticipé des débats "parfois assez durs" et ne s'était pas trompé. Plusieurs sujets ont suscité des levées de bouclier tant dans l'hémicycle, avec des échanges passionnés et des députés de droite comme de gauche très mobilisés, qu'au dehors auprès d'associations notamment.
Face au tollé suscité par les dérogations à la loi littoral, les députés ont notamment lâché du lest pour permettre de nouvelles constructions dans les "dents creuses" mais strictement encadrées.
Autre sujet âprement débattu: la réorganisation d'ampleur du logement social, avec la vente de HLM favorisée ou le totem de la loi SRU, et une gauche très remontée contre la "ségrégation sociale".
Le passage de 100% à 10% de logements accessibles aux personnes handicapées dans la construction neuve, les autres devant être "évolutifs", a aussi provoqué de vives critiques, notamment des associations et de LR.
Dans la matinée de vendredi, les députés ont approuvé le caractère expérimental et optionnel du dispositif d'encadrement des loyers, né sous le quinquennat Hollande. Cette décision, défendue comme "pragmatique" par le gouvernement, n'a contenté ni droite ni gauche, les premiers rejetant tout encadrement, les seconds voulant son maintien "stricto sensu".
Dans un relatif consensus cette fois, l'Assemblée a aussi voté un encadrement renforcé des locations touristiques de type Airbnb. Il y aura notamment des sanctions accrues contre les propriétaires ne respectant pas leurs obligations et de nouvelles amendes pour les plateformes.
Les députés ont également adopté un amendement porté par LR et LREM pour mettre un terme à la clause de solidarité en cas de violences conjugales.
La lutte contre les marchands de sommeil a aussi été renforcée. Notamment les peines complémentaires de confiscation des biens et d’interdiction d’acquisition de nouveaux biens pour cinq ans, qui seront obligatoires.
Les communistes, à l'origine d'une proposition de loi sur le sujet en début d'année, se sont félicités que "parole a(it) été tenue" par le gouvernement, qui s'était engagé à travailler en commun sur ces questions d'habitat indigne.