Les 27 dirigeants de l'Union européenne ont ouvert vendredi la voie aux discussions sur la future relation avec le Royaume-Uni après le Brexit, tout en fixant une échéance à juin pour des progrès sur l'épineuse question de la frontière irlandaise.
Dans la matinée, avant de quitter ses homologues européens, la Première ministre britannique Theresa May a souhaité une "nouvelle dynamique dans la négociation", pour un partenariat "fort" entre les deux blocs sur le plan économique et en matière de sécurité, malgré leur divorce programmé fin mars 2019.
La perspective du Brexit n'a pas empêché les Européens d'afficher une solidarité avec Mme May jeudi soir dans l'affaire de l'empoisonnement de l'ex-espion russe Sergueï Skripal le 4 mars à Salisbury, sur le territoire britannique, qui a provoqué de fortes tensions avec Moscou.
Le président du Conseil européen Donald Tusk s'est félicité de voir, "en ces circonstances difficiles" et "malgré les négociations dures sur le Brexit", que l'UE a fait preuve d'une unité "sans équivoque" avec le Royaume-Uni.
L'UE à 27 a adopté vendredi sans difficulté les "lignes directrices" qui doivent guider le négociateur européen Michel Barnier et son équipe dans les discussions à venir sur "le cadre de la future relation" entre les deux blocs, qui vont s'ouvrir parallèlement aux négociations sur les conditions du divorce.
- La question irlandaise -
Les dirigeants ont salué les progrès réalisés dans la rédaction de l'accord de retrait, en particulier la définition des termes d'une période de transition, un projet de texte présenté en début de semaine par Michel Barnier et son homologue britannique David Davis.
"Nous franchissons aujourd'hui une étape décisive dans cette négociation difficile et extraordinaire", a observé M. Barnier en marge du sommet bruxellois. La future relation "devra respecter les principes et l'identité de l'UE et du marché unique", a prévenu le négociateur français.
Toutefois, un point très important reste en suspens: le retour d'une frontière physique entre l'Irlande et la province britannique d'Irlande du Nord, que Bruxelles comme Londres veut absolument éviter.
"Les dirigeants évalueront en juin si la question irlandaise a été résolue, et comment procéder sur une déclaration commune sur notre future relation" avec le Royaume-Uni, a expliqué M. Tusk.
Les Britanniques ont accepté d'intégrer dans l'ébauche d'accord de retrait actuellement sur la table l'option d'un "espace réglementaire commun" incluant l'UE et l'Irlande du Nord, au moins jusqu'à ce qu'une autre solution satisfaisante soit proposée.
Pour les Britanniques comme pour le Premier ministre irlandais Leo Varadkar, "s'assurer d'avoir une relation aussi rapprochée que possible" avec Londres est le "meilleur moyen d'éviter une frontière +dure+".
Quant aux Espagnols, ils ont entamé des discussions bilatérales avec Londres sur le cas, également complexe, de Gibraltar. "Nous espérons arriver à un accord dans les prochains mois", a déclaré le chef du gouvernement espagnol Mariano Rajoy.
- Frictions attendues -
Donald Tusk l'a répété: le choix du Royaume-Uni de quitter le marché unique et l'union douanière donnera de fait lieu à des "frictions" dans la relation commerciale post-Brexit.
L'UE insiste pour qu'un futur accord de libre-échange préserve l'indivisibilité de son marché unique, rappelant une nouvelle fois un de ses principes de base dans cette négociation: pas de commerce "à la carte", secteur par secteur.
La question des services financiers, qui concerne directement la City londonienne, n'est pas abordée dans les lignes directrices, mais elle avait fait l'objet d'une déclaration séparée lors d'une réunion à 27 mardi à Bruxelles de ministres de l'UE.
Il s'agit d'un "engagement" des 27 qui demandent à la Commission européenne de proposer un texte permettant d'offrir un mécanisme d'équivalences "révisé et amélioré" qui serait approprié pour le Royaume-Uni après son départ, pour permettre au secteur financier de continuer à avoir accès au continent, a expliqué à l'AFP une source diplomatique.
Réunis à 19 pour la première fois depuis quatre ans, les pays de la zone euro ont discuté pendant une heure et demie, après le point Brexit, de la réforme de la zone euro proposée par le président français, soutenue par l'Allemagne. Mais lors de leur conférence de presse commune, les deux dirigeants n'ont pas annoncé d'avancée notable sur ce sujet qui divise.
Ils ont tous deux réaffirmé vendredi leur objectif de parvenir à une "feuille de route" commune en juin. La France souhaite convaincre ses partenaires de doter la zone euro d'un budget spécifique, pour en faire le fer de lance d'une relance de l'Europe.
La partie s'annonce difficile pour le couple franco-allemand, alors que huit pays du nord de l'UE ont déjà exprimé leur réticence sur une réforme qu'ils jugent trop axée sur la solidarité en faveur des États les moins fortunés de la zone euro.
"Nous avons vu les éléments qu’il faut articuler pour trouver cette feuille de route, entre responsabilité et solidarité", a seulement commenté Emmanuel Macron.