Angela Merkel donne dimanche le coup d'envoi au CeBIT d'Hanovre (nord), salon high-tech majeur où la chancelière allemande aura l'occasion de cultiver sa relation privilégiée avec la Chine, invitée d'honneur en pleine révolution numérique.
Mme Merkel, qui s'est rendue sept fois en Chine depuis 2005, rencontrera dans la soirée en tête-à-tête le vice-Premier ministre chinois Ma Kai, avant la cérémonie officielle d'inauguration de l'événement.
Le pays partenaire domine les quelque 3.000 m2 du salon: il déploie plus de 600 entreprises (sur 3.300 participants), emmenées par les constructeurs de smartphones comme Huawei (SZ:002502), Xiaomi et ZTE, ou le géant du commerce en ligne Alibaba. Le fondateur de ce dernier, Jack Ma, prononcera l'un des discours d'ouverture.
"Le marché des technologies de l'information en Chine a un taux de croissance bien plus important que dans les économies occidentales. (...) Le succès d'Alibaba en est un très bon exemple", a souligné Dieter Kempf, le patron de la fédération allemande du secteur.
Le coup de projecteur sur la Chine permet au salon, qui n'est plus ouvert qu'aux professionnels depuis l'an dernier, de se différencier, face à la concurrence de Las Vegas (CES), Barcelone (MWC) ou Berlin (Ifa).
Le CeBIT, plus grand salon mondial du genre dans les années 2000, a abandonné ce titre mais attend tout de même plus de 200.000 visiteurs du 16 au 20 mars.
- Carte du monde recomposée -
Choisir la Chine comme partenaire témoigne de la "recomposition de la carte du monde", selon un porte-parole du salon.
Le pays "a fait de gros progrès sur le développement de ses propres technologies de l'information", souligne Jost Wübbeke, chercheur à l'institut Mercator d'études sur la Chine (Merics).
Le géant asiatique ne fournit plus seulement des composants électroniques bon marché au reste du monde, mais émerge comme un véritable concurrent. La taille démesurée du marché domestique a permis aux constructeurs de smartphones locaux de s'inviter sur la scène mondiale.
Le cabinet d'experts IDC prédit que le seul marché chinois représentera 43% de la croissance du secteur mondial des technologies en 2015. La Chine devrait compter cette année environ 680 millions d'internautes, 2,5 fois plus qu'aux Etats-Unis.
Pourtant, "les technologies de l'information tiennent jusqu'ici un rôle de second rang dans la relation entre la Chine et l'Allemagne", remarque M. Wübbeke.
Les deux pays aiment mettre en scène leur amitié. Ils tiennent un conseil des ministres commun tous les deux ans, un format privilégié que Pékin ne pratique qu'avec Berlin.
L'Allemagne est le premier partenaire commercial de la Chine en Europe, et le marché chinois le troisième débouché de l'économie allemande (après la zone euro et les Etats-Unis), avec des échanges bilatéraux de 150 milliards d'euros en 2014, selon la fédération DIHK des chambres de commerce.
Mais cette manne profite surtout à de grands industriels comme Volkswagen ou Siemens. Les grands partenariats high-tech germano-chinois ne sont pas légion: la coentreprise de Deutsche Telekom (XETRA:DTEGn) avec China Mobile dans la voiture connectée fait figure d'exception.
- Ligne conciliante -
Placé sous le signe de la numérisation de l'économie, le CeBIT sera l'occasion pour les deux partenaires d'aborder des sujets laissés en friche. L'Allemagne a embrassé la thématique de l'"industrie 4.0", nouvelle révolution industrielle qui doit voir ses entreprises adopter objets et outils connectés.
Un défi dont la Chine a également conscience. Le Premier ministre Li Keqiang appelait récemment de ses voeux une "montée en gamme de l'industrie".
Mais la censure de l'internet pratiquée par Pékin reste aux antipodes de la culture high-tech, un hiatus qui interpelle dans un salon où la cyber-sécurité reste un thème majeur, et qui accueillera l'activiste Edward Snowden en téléconférence.
Amnesty International a déjà annoncé des manifestations lors du CeBIT.
"La Chine utilise aussi sa politique de cyber-sécurité pour s'assurer le développement d'un secteur IT compétitif chez elle", dénonce Hauke Gierow, un autre chercheur du Merics.
Là où l'administration américaine du président Barack Obama aborde frontalement le protectionnisme chinois et les obstacles aux implantations étrangères, "le gouvernement allemand est jusqu'ici largement inactif", se désole-t-il.
Mais Mme Merkel devrait une fois encore rester fidèle à sa ligne conciliante avec Pékin, adoptée depuis 2007 et la crise diplomatique provoquée par la visite du dalaï-lama.