Les ministres français de l'Economie et des Finances sont attendus mardi à Berlin pour un mini-sommet franco-allemand consacré à la relance de la croissance, Paris insistant pour des investissements supplémentaires alors que l'Allemagne demande des réformes structurelles.
La visite d'Emmanuel Macron (Economie) et de Michel Sapin (Finances) à leurs homologues Sigmar Gabriel et Wolfgang Schäuble est la deuxième en six semaines. Réunis mi-octobre, les quatre ministres avaient promis pour leur prochaine rencontre une "proposition commune sur les possibilités d'investissements dans les deux pays".
Entre temps la thématique s'est imposée dans le début public avec la présentation par le nouveau président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker de son projet de fonds de plus de 300 milliards d'euros pour l'investissement.
Avant un Conseil européen mi-décembre consacré au sujet, on aimerait côté français soutirer à Berlin un engagement sonnant et trébuchant à ce fonds, explique-t-on à Paris.
Il est cependant peu probable que M. Schäuble soit prêt à mettre au pot. Le ministre conservateur a annoncé début novembre 10 milliards d'euros d'investissements publics supplémentaires d'ici 2018 en Allemagne et vient de faire voter le premier budget fédéral à l'équilibre depuis 1969.
- "Pas de leçons de morale" -
La rencontre de mardi devrait se solder par de chaudes manifestations d'amitié et une déclaration de soutien d'ordre général au plan Juncker. Les quatre ministres, flanqués des représentants des banques centrales des deux pays tiendront une conférence de presse commune à 15H30 GMT.
Il s'agira de fournir "une nouvelle manifestation d'unité", a indiqué lundi un porte-parole de M. Schäuble, "nous voulons faire passer un message de confiance dans un contexte européen tendu".
En fin de semaine dernière ce pilier du gouvernement d'Angela Merkel a tendu la main à la France en appelant à la "solidarité" avec les partenaires qui sont "dans une situation plus difficile" que l'Allemagne.
"Des leçons de morale en public n'ont pas leur place" dans ce mini-sommet franco-allemand, a prévenu le secrétaire d'Etat allemand à l'Economie Matthias Machnig, une pique à destination du Commissaire européen Günther Oettinger.
Cet Allemand, issu du parti conservateur de Mme Merkel, s'est illustré récemment avec une tribune de presse virulente contre la France, qualifiée de "pays déficitaire récidiviste". En pleines discussions à Bruxelles sur le budget de la France, menacée de sanction, il s'est attiré les foudres de Paris et a envenimé encore un peu plus les relations tendues entre les deux capitales, opposées sur les choix de politique économique pour sortir de la crise.
Entre temps, la Commission européenne a tranché sur les manquements de Paris aux règles budgétaires européennes, accordant un sursis à la France pour qu'elle mette sur les rails des réformes promises.
- Sous surveillance -
"Les sanctions sont seulement retardées, pas levées", a mis en garde le même M. Oettinger dans un entretien au Spiegel lundi, appelant à des réformes du marché du travail en France.
Presse et fédérations économiques allemandes sont coutumières d'appels du même genre et du côté du gouvernement l'impatience croît aussi, reconnaissait récemment une source diplomatique.
Mardi à la mi-journée, deux économistes chargés par les deux gouvernements de leur faire des propositions de réformes, le Français Jean Pisani-Ferry et l'Allemand Henrik Enderlein, présenteront d'ailleurs à Berlin le résultat de leur travail, quelques jours après l'avoir dévoilé à Paris.
Les deux capitales ont déjà pris leurs distances par rapport à leurs principales conclusions: appel à des réformes audacieuses en France et à des investissements supplémentaires en Allemagne.
"Beaucoup d'Allemands sous-estiment deux choses: d'une part la volonté de notre gouvernement et la réalité des réformes", expliquait mardi dans les colonnes du quotidien Handelsblatt le secrétaire d'Etat français au Commerce extérieur Matthias Fekl. "Ils n'ont pas non plus une image réaliste de l'ampleur des conflits au sein de la société française ni du danger qui émane du Front National", poursuivait-il.