Désamorcer la crise de la dette impose aux pays de l'UE une plus grande solidarité, mais les abandons de souveraineté qu'elle suppose ne peuvent se discuter qu'à mots couverts pour ne pas réveiller la suspicion des anti-fédéralistes.
"Nous devons aller vers davantage d'intégration financière, budgétaire et économique. Nous aurons une union économique pour la fin de l'année", a affirmé le président de l'UE, Herman Van Rompuy lors du sommet du G20 au Mexique.
Chargé de préparer un rapport pour le sommet européen des 28 et 29 juin, M. Van Rompuy "est très ambitieux, avec des idées concrètes", a confié à l'AFP un responsable européen.
"Il fonde cette intégration sur une union économique, une union bancaire, une union budgétaire et une union politique", a-t-il souligné.
"La crise a montré la nécessité d'accélérer l'intégration européenne", a affirmé vendredi le chef de la diplomatie allemande Guido Westerwelle. Il s'agit de "renforcer l'Europe pour la rendre plus efficace et capable d'agir", a-t-il plaidé.
Le chef du gouvernement italien Mario Monti, de sensibilité fédéraliste, soutient également cette démarche. "Pour sortir dans de bonnes conditions de cette crise de la zone euro et de l'économie européenne, davantage d'intégration est nécessaire", a-t-il déclaré dans un entretien publié vendredi par plusieurs journaux, dont le Guardian.
"Avec une Europe fédérale, nous n'aurons plus cette discontinuité dans les processus décisionnels", soutient son ministre en charge des Affaire européennes Enzo Moavero.
Mais le fédéralisme est "un concept très sensible dans certains pays", car il signifie céder des pans de souveraineté nationale à des instances supérieures européennes, avertit un responsable européen.
Le Royaume-Uni ne veut pas en entendre parler. La France est pour sa part très réticente à toute perte de sa souveraineté. Les décisions doivent revenir aux chefs d'Etat et de gouvernement européens, soutient Paris.
"En Europe, il y a toujours beaucoup d'enthousiasme à mutualiser les fardeaux mais beaucoup de réserves quand il s'agit de céder de la souveraineté à l'échelle européenne", raille l'entourage de la chancelière Angela Merkel.
Ces réserves sont prises en compte. "Le mot fédéralisme n'est pas utilisé dans le document que présentera Herman Van Rompuy, car il ne faut pas réveiller les vieux démons", a expliqué un responsable européen.
"Le président François Hollande ne veut pas raviver" les plaies ouvertes en France après l'échec du référendum sur la constitution européenne en 2005, a-t-il ajouté.
Aux Pays-Bas, où les électeurs avaient également rejeté le projet de constitution européenne, des élections législatives anticipées sont prévue le 12 septembre "et il ne faut pas braquer les débats" sur l'avenir institutionnel de l'UE, a insisté ce responsable européen.
"La construction européenne est une suite de compromis", rappelle-t-il. Elle comporte déjà des éléments de fédéralisme, comme la BCE et la Cour européenne de Justice (CEJ), a-t-il souligné
Le président français François Hollande préconise en effet d'avancer "étape par étape".
Dans un mémoire adressé à Herman Van Rompuy, le président français a recommandé "d'établir une feuille de route pour 10 ans afin de permettre d'examiner les conditions d'intégration, notamment budgétaire, et le cadre institutionnel et politique permettant de parvenir à ces objectifs en assurant la nature démocratique des décisions".
Cette politique des étapes va s'appliquer aux euro-obligations réclamées par Paris. "Une communautarisation des dettes exige nécessairement une plus forte intégration politique, et nécessitera certainement plusieurs années", a expliqué le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault à l'hebdomadaire allemand Die Zeit.