Edouard Philippe entame vendredi un ultime et vaste tour de table pour échanger avec les élus locaux concernés par le très controversé projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes, avant que l'exécutif ne tranche définitivement d'ici à la fin du mois.
Maires, présidents d'agglomérations, de conseils départementaux, dirigeants régionaux, députés et sénateurs se succéderont auprès du Premier ministre à Matignon pour faire valoir leurs positions dans ce dossier ultra-sensible, auquel Emmanuel Macron a promis d'apporter une réponse rapidement.
Les élus de Loire-Atlantique -qui ouvrent le bal- d'Ile-et-Villaine et du Morbihan (reçus eux lundi), du Maine-et-Loire, de Mayenne et de Vendée (mardi), ainsi que le bureau du syndicat mixte aéroportuaire (vendredi 12) vont être entendus "sur leur conception de ce qu'il faut faire, ce qu'il ne faut pas faire mais aussi sur la façon dont ils interprètent le rapport demandé au mois de juin", remis mi-décembre, qui propose de choisir entre "le réaménagement de l'actuel aéroport de Nantes Atlantique" et "le développement d'une nouvelle plateforme aéroportuaire", a expliqué mercredi le Premier ministre.
Cette "phase ultime de concertation", destinée à nourrir le choix final de l'exécutif, permettra aussi d'évoquer l'évacuation du site de Notre-Dame-des-Landes, qui sera ordonnée quelle que soit l'option retenue, a promis M. Philippe.
"Il faut que la ZAD (zone d'aménagement différé ou zone à défendre, ndlr) soit démantelée et elle le sera", insiste auprès de l'AFP le président de l'Assemblée nationale François de Rugy, appuyé par la députée LREM Sophie Errante, qui attend surtout que soit mis "un terme aux situations de non respect des droits vécues par les riverains".
Après avoir laissé la situation s'embourber, "il est temps de passer à autre chose", résume M. de Rugy, qui "en a marre que l'on ne parle de Nantes qu'à travers ça".
L'ex-écologiste, réélu député sous la bannière de La République en marche, dira vendredi au Premier ministre "qu'il n'y a pas de consensus absolu des élus en faveur du transfert de l'aéroport à Notre-Dame-des Landes".
Lui-même est opposé à ce "projet inutile et assez anachronique" mais reste assez isolé en Loire-Atlantique.
- 'Rapport biaisé' -
Des dix députés du département (9 LREM, 1 MoDem), six ont clairement affirmé leur soutien au nouvel aéroport, deux s'en remettent à la décision de l'exécutif et deux autres s'affichent contre (M. de Rugy et Sarah El Haïry). Parmi les cinq sénateurs, seul l'écologiste Ronan Dantec est opposé au projet.
"Je trouve insensé que les grands élus de Loire-Atlantique s'arc-boutent sur un projet qui n'est en rien vital pour la Loire-Atlantique et pour l'Ouest", plaide ainsi auprès de l'AFP M. Dantec, quand Mme El Haïry déplore "qu'à force de se préoccuper de cet aéroport, on n'a rien fait d'autre à Nantes".
Le rapport des trois médiateurs, qui éclaire d'un jour nouveau l'hypothèse d'un réaménagement de l'aéroport existant, sera vendredi sous le feu des critiques de plusieurs élus.
"Je suis sceptique et je le ferai savoir", annonce ainsi la députée Aude Amadou, qui attend des "éléments d'explication".
"De manière involontaire ou volontaire, le rapport n'intègre pas certains éléments: la problématique de l'évolution du trafic, les problématiques liées aux pollutions sonores et aux particules fines, l'application stricte de la loi littoral", pointe le maire (DVG) de Saint-Aignan, commune située en bout de piste de l'actuel aéroport.
"C'est un rapport biaisé, qui présente de graves lacunes", s'insurge de son côté le patron des sénateurs LR Bruno Retailleau, secrétaire du Syndicat mixte aéroportuaire.
L'ancien président de la région Pays-de-la-Loire dénonce à l'AFP la "mise en scène" de cette consultation, qui "ne servira à rien puisque c'est le président de la République qui prendra la décision".
D'autres, à l'image du député Yves Daniel (6e circonscription, celle de NDDL), mettront en avant le "respect du fait majoritaire" en s'appuyant sur le résultat de la consultation locale de juin 2016: 55,17% des habitants de Loire-Atlantique s'étaient alors prononcés en faveur du transfert de l'aéroport nantais.
"Sinon, il y a énormément de gens qui vont faire un brûlis avec leurs cartes d'électeurs, à commencer par moi", prévient-il.