Des centaines de milliers de dollars d'économie par an et par avion. C'est la promesse des industriels qui développent le "green taxiing", une technologie pour faire rouler les aéronefs sans solliciter les réacteurs et donc, sans consommer de kérosène, présentée au Bourget.
L'essor continu du trafic aérien (5% par an) a considérablement allongé le temps de roulage des avions contraints d'attendre leur tour, moteurs allumés, sur les pistes des aéroports encombrés.
"Le temps de roulage peut être très long, de 20 à 30 minutes", confirme Bruno Delile, directeur de la flotte du groupe Air France. "Particulièrement à Roissy", hub de la compagnie française.
A Amsterdam, plateforme de correspondances de sa consoeur néerlandaise KLM, l'une des pistes est très éloignée de l'aéroport. Le roulage peut ainsi durer 40 minutes.
Et ce sont des quantités de carburant phénoménales qui partent en fumée.
Un Boeing 747 consomme une tonne de kérosène (1.250 litres) pour un roulage de 17 minutes avant le décollage, estime ainsi la société israélienne Israel industry aerospace (IAI), l'un des trois acteurs qui s'est lancé dans le "roulage vert".
IAI développe un dispositif, baptisé "Taxibot", en partenariat avec le leader des tracteurs d'avions TLD et l'avionneur européen Airbus.
Il s'agit d'un tracteur électrique qui permet un roulage commandé depuis le cockpit. "Avec l'avantage de ne pas alourdir l'avion en vol", explique Arnaud Stern, consultant expert aéronautique chez Kurt Salmon.
De son côté, Safran développe avec Honeywell, l'EGTS (electric green taxiing system) qui consiste à intégrer des moteurs électriques au train d'atterrissage principal. L'EGTS, commercialisé en 2016, prévoit une économie de kérosène 3 à 4% par vol malgré un surpoids de 300 kg.
Cinq milliards de dollars
Compte tenu de cette "pénalité de poids", pour rester avantageux, il cible les vols courts et moyen-courriers.
"Cela représente un marché potentiel de 10.000 avions entre 2016 et 2030 sans compter le marché du +retrofit+" (avions en circulation qui seraient modernisés avec ce système), souligne Olivier Savin, directeur de programme EGTS chez Safran.
Ce marché est évalué au total à 5 milliards de dollars (3,7 milliards d'euros), ajoute Arnaud Stern.
Air France avance un gain de 2% par vol. Pour autant, cette économie n'est pas négligeable, souligne M. Delil, car Air France dispose d'une flotte de 130 avions moyen-courriers effectuant chacun quotidiennement 3 à 4 vols.
Pour apprécier l'économie réelle, la compagnie a signé au Bourget un accord de partenariat avec Safran/Honeywell.
"Il faut évaluer les coûts associés à l'introduction d'un tel système: coûts de maintenance, impact sur les opérations aéroportuaires, sur les tâches opérationnelles. Et évaluer in fine, l'intérêt réel pour une compagnie aérienne comme la nôtre", explique M. Delil.
KLM pourrait quant à elle plutôt opter pour l'autre dispositif actuellement proposé aux compagnies, le "Wheeltug" de Chorus wheel, qui sera commercialisé fin 2014. Ce système est installé sur le train avant et non sur le train principal comme l'EGTS.
Quel que soit le système, les industriels arguent que la durée de vie des moteurs sera également augmentée car les dommages causés par l'aspiration de particules au sol seront évités. Les freins seront par ailleurs moins sollicités.
"Le green taxiing présente de multiples avantages", résume Arnaud Stern. Car en réduisant leur consommation de kérosène, les compagnies diminueront leurs émissions de CO2 et de Nox (oxyde d'azote) sans compter les nuisances sonores réduites quasiment à néant.
"Un seul avion équipé de l'EGTS permet d'éliminer 50% les émissions de NOx et 75% de CO2 pendant le roulage", estime Safran.
nfin, le green taxiing devrait contribuer à la ponctualité des vols, les pilotes n'étant plus contraints d'attendre un tracteur disponible.