Gouvernement et patronat ne cessent ces derniers jours de s'invectiver, se rejetant la responsabilité de la situation de blocage de l'économie française, au moment où les entreprises petites et grandes se mobilisent contre la politique économique.
Dernier en date, le Premier ministre, Manuel Valls, a dénoncé à nouveau mardi devant l'Assemblée nationale les "provocations" de certains "dirigeants du patronat", qui ne sont "pas à la hauteur" de leurs "responsabilités".
"Quand la Nation, à travers le Parlement, consent et va consentir un effort de 40 milliards d'euros pour les entreprises, pour la compétitivité, pour baisser la fiscalité et pour baisser les charges, chacun doit être à la hauteur de ses responsabilités", a estimé M. Valls dans une allusion aux baisses d'impôts et de cotisations dont doivent à terme bénéficier les entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité.
"Je le dis notamment aux dirigeants du patronat", a-t-il poursuivi, tandis que ses propos faisaient également suite à ceux dans la matinée du ministre de l'Economie Emmanuel Macron qui avait parlé d'"échec" au sujet du pacte.
- La complexité 'vraie raison de la grogne patronale' -
"Aujourd'hui, il y a très peu d'accords de branches qui sont signés. C'est un échec et aujourd'hui, c'est aussi le sien", a déclaré le ministre, en référence au patron du Medef Pierre Gattaz. "Le Pacte est un "+échec+ ? On arrête de demander aux branches de s'impliquer ?", a ironisé mardi à la mi-journée M. Gattaz sur Twitter. Seuls deux accords de branches ont été signés pour le moment.
Dimanche, le porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, estimait qu'il y avait "un problème Gattaz" fustigeant des propos du dirigeant de l'organisation patronale remontant au 30 octobre, par lesquels il avait appelé la France à sortir d'une convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui oblige à justifier un licenciement.
M. Gattaz a rétorqué lundi sur Europe 1: "Mais le vrai problème c'est le chômage. (...) Mon obsession c'est l'emploi. (...). Dans une interview à paraître mercredi dans le Progrès, il évoque le "ras-le-bol des promesses non tenues du gouvernement, qui continue d’augmenter les impôts alors qu'il nous parle d'une baisse de 40 milliards. Et qui continue, malgré les discours pro-entreprises de Manuel Valls, d'imposer des mesures concrètes opposées à ses discours: la pénibilité, la loi Hamon sur la cession des entreprises, et le temps partiel à 24 heures minimum".
L'ambiance est loin de celle affichée fin août lorsque M. Valls avait lancé son "j'aime l'entreprise" suscitant la réaction enthousiaste de M. Gattaz y voyant "un discours de lucidité, de pragmatisme, de courage".
"Il y a le jeu de rôle et la part théâtrale qu'il faut toujours prendre en compte", analyse Bernard Vivier, directeur de l'Institut du travail.
M. Vivier voit d'une part "une exaspération croissante des chefs d'entreprise sur tout ce qui est lourdeur, contraintes administratives, incertitudes juridiques et qui est la vraie raison de la grogne patronale".
Ce fut d'ailleurs le thème principal lundi par la manifestation qui a rassemblé plusieurs milliers de petits patrons à Paris et Toulouse à l'appel de la CGPME.
Le Pacte: "sparadrap du capitaine Haddock"
"Le deuxième point c'est le pacte de responsabilité, c'est le sparadrap du capitaine Haddock", estime M. Vivier en allusion à un épisode de Tintin dans lequel le capitaine se débat longuement avec un bout de bande adhésive qui lui colle au nez puis aux doigts et finit sur sa casquette.
Sparadrap que M. Hollande aurait, selon M. Vivier, avec "habileté" repassé à M. Gattaz.
Le gouvernement a promis en vain l'inversion de la courbe du chômage et "fin 2013, Hollande se dit +j'ai peut-être fait du bon travail mais ce n'est pas moi qui vais en tirer les bénéfices, en tout cas pas au printemps 2017+ et il repasse le sparadrap à Gattaz qui se fait fort de créer un million d'emplois".
"Mais Gattaz c'est comme Hollande, il est confronté aux mêmes difficultés ce n'est pas l'appareil patronal qui crée des emplois, ce n'est même pas les branches, c'est les entreprises", lance M. Vivier.