LILLE (Reuters) - Un ancien commissaire de police a invoqué mercredi le "secret défense" devant le tribunal correctionnel de Lille pour ne pas révéler le détail des écoutes administratives réalisées en 2010 dans l'affaire du Carlton.
Joël Specque a cependant affirmé que le nom de Dominique Strauss Kahn, jugé depuis lundi avec 13 autres prévenus pour proxénétisme aggravé, n'y était pas cité.
Se fondant sur les déclarations de Joël Specque dans un livre autobiographique, des avocats de la défense estiment qu'une enquête officieuse a été menée dès juin 2010, bien avant l'ouverture de l'enquête préliminaire en février 2011.
"Je ne peux pas me parjurer, j'ai signé une décharge en quittant la police, je respecte le secret défense", a déclaré à l'audience Joël Specque, ancien commissaire de la police judiciaire lilloise aujourd'hui à la retraite.
"A aucun moment le nom de Monsieur Strauss Kahn n'a été cité", a-t-il ajouté, précisant que ces interceptions de sécurité ont "simplement permis de confirmer les liens entre les deux protagonistes initiaux".
L'ancien policier a été pressé de questions par les avocats de défense lui demandant pourquoi il avait réclamé des écoutes administratives au lieu de saisir la justice.
"De quels éléments graves disposiez-vous pour demander ces écoutes et vous réfugier derrière le secret défense ?", a demandé Me Henri Leclerc, l'un des avocats de l'ancien directeur général du Fonds monétaire international.
"La loi permet cette procédure, elle correspondait à ce que nous pouvions faire", a répondu Joël Specque.
Lundi, son ouvrage avait été au cœur des débats et de la demande de nullité de la procédure déposée par l'avocat d'un prévenu, Jean-Christophe Lagarde, et que le tribunal a décidé d'examiner à la fin du procès.
Pour plusieurs défenseurs, ces écoutes administratives autorisées par Matignon étayent la thèse d'un complot politique ourdi contre "DSK", alors possible candidat à l'élection présidentielle de 2012.
"On est peut être au cœur d'un scandale d'Etat ", a ainsi déclaré à la presse Me Hubert Delarue.
"J'ai demandé à mon client René Kojfer s'il était candidat à la présidence de la République, il m'a affirmé que non, j'ai tendance à le croire, alors je ne comprends pas pourquoi on a mené une telle enquête de huit mois alors que tout le monde connaissait déjà son activité", a-t-il ajouté.
Un prévenu, Dominique Alderweireld, dit "Dodo la Saumure", a affirmé aux journalistes : "Pourquoi croyez-vous que cette affaire ait été traitée comme cela ? Pas pour la prostitution ! Mais par ce qu'il y a DSK, il était candidat à la présidence non ?"
Dominique Strauss-Kahn risque jusqu'à dix ans d'emprisonnement et 1,5 million d'euros d'amende.
(Pierre Savary, édité par Gérard Bon)