La Turquie a autorisé jeudi la Russie à entreprendre les études pour réaliser le gazoduc South Stream qui reliera la Russie à l'Europe par les eaux turques de la Mer noire, mais en évitant l'Ukraine qui s'est durement affrontée à Moscou sur la question des prix.
"Dans le droit fil de l'esprit qui anime nos relations bilatérales, nous avons accédé à la demande de la Russie d'effectuer les études nécessaires pour la réalisation du projet South Stream" dans les eaux turques, a déclaré le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, au cours d'une conférence de presse avec son homologue russe Vladimir Poutine.
"South Stream est un projet très attendu. Il est très important pour toute l'Europe", a déclaré M. Poutine après une cérémonie de signature, en présence du Premier ministre italien Silvio Berlusconi.
La présence de M. Berlusconi à cette réunion d'Ankara s'explique par le fait que le groupe italien ENI est, avec le groupe russe Gazprom, le principal maître d'oeuvre de South Stream.
Le projet South Stream permettra à la Russie d'exporter vers l'Europe sans passer par l'Ukraine, avec laquelle elle s'est durement opposée sur la question des prix l'hiver dernier, entraînant des pénuries en Europe.
South Stream est en concurrence directe avec le projet de gazoduc Nabucco, signé le mois dernier à Ankara.
Nabucco prévoit, sur 3.300 km et avec un débit comparable à South Stream de 31 milliards de m3, de contourner la Russie pour alimenter en gaz asiatique les pays européens, qui souhaitent se défaire de leur dépendance du gaz russe.
Concernant South Stream, les études et explorations devraient commencer en novembre, et la construction elle-même un an plus tard, a déclaré le porte-parole de M. Poutine, Dimitri Peskov.
Le gaz qui alimentera South Stream viendra de Russie, d'Asie centrale et du Kazakhstan, selon Moscou.
Ce gazoduc doit passer sous la mer Noire, en reliant la Russie à la Bulgarie, où il se divisera en une branche Nord-Ouest vers l'Autriche et une branche Sud, notamment vers la Grèce et l'Italie.
Si elle est devenue partie prenante de Nabucco, la Turquie prend ainsi garde avec South Stream de ne pas faire preuve d'ostracisme à l'égard de Moscou, son principal partenaire commercial et son principal fournisseur de gaz.
Les deux pays ont par ailleurs signé un autre protocole d'accord, dans le domaine du pétrole prévoyant le lancement du projet d'oléoduc entre les ports turcs de Samsun, sur la mer Noire, et de Ceyhan, sur la Méditerranée.
"Nous estimons que c'est un projet qu'il faut soutenir et sur lequel nous devons travailler ensemble", a déclaré à ce sujet M. Poutine.
Selon le journal russe Kommersant, pour décrocher le soutien d'Ankara à South Stream, Moscou a dû faire des concessions, notamment soutenir le projet Samsun-Ceyhan.
MM. Poutine et Erdogan devaient également signer un troisième protocole d'accord, sur le nucléaire. Or, des accords sur la coopération nucléaire ont de fait été signés par les deux pays, mais seulement au niveau ministériel.
Le principal projet en discussion dans ce domaine est la construction de la première centrale nucléaire turque.
L'entreprise publique russe Atomstroyexport est la seule à avoir répondu à un appel d'offres pour construire cette centrale, dans le sud du pays.
Selon le gouvernement russe, la Russie offrirait un prêt à la Turquie pour réaliser cette centrale, dont le coût de construction est évalué à 21 milliards de dollars (14,6 milliards d'euros).
La proposition russe prévoit de construire quatre réacteurs d'une puissance totale de 1.200 mégawatts.
Les deux parties n'ont pas annoncé d'accord spécifique sur ce projet de centrale, à ce sommet.