BAGDAD (Reuters) - L'Irak a proposé mercredi sa médiation pour mettre fin à la crise diplomatique entre l'Arabie saoudite et l'Iran, estimant qu'elle risquait de déstabiliser davantage l'ensemble de la région.
En visite à Téhéran, le chef de la diplomatie irakienne, Ibrahim al Djaafari, a souligné que cette crise risquait d'avoir de "larges répercussions", allusion notamment à la lutte contre le groupe djihadiste Etat islamique (EI) en Irak et en Syrie.
"Nous avons des relations solides avec la République islamique (d'Iran) et nous avons aussi des relations avec nos frères arabes donc nous ne pouvons pas demeurer silencieux face à cette crise", a-t-il déclaré au côté de son homologue iranien, Mohammad Javad Zarif.
L'exécution du dignitaire religieux chiite Cheikh Nimr al Nimr par l'Arabie saoudite le week-end dernier a attisé les tensions entre sunnites et chiites et provoqué une rupture des relations diplomatiques et commerciales entre Ryad et Téhéran. Bahreïn, le Soudan, Djibouti et dans une moindre mesure les Emirats arabes unis se sont rangés derrière les Saoudiens.
Le gouvernement du Premier ministre chiite Haïdar al Abadi s'est dit de son côté "profondément choqué" mais il s'est gardé de fermer l'ambassade d'Arabie saoudite qui a récemment rouvert à Bagdad, comme le lui demandent les milices armées chiites et une partie de la population.
MANIFESTATIONS CHIITES
De nouvelles manifestations ont rassemblé plusieurs milliers de chiites mercredi à Bagdad et dans d'autres villes, en tête desquelles flottaient les drapeaux des trois plus puissantes milices, l'organisation Badr, Assaïb Ahl al Haq et Kataëb Hezbollah.
"Si nos demandes ne sont pas entendues, nous allons durcir la contestation", a déclaré Hadj Jawad al Toulaibawi, un porte-parole militaire d'Assaïb manifestant sur la place Tahrir (place de la Libération) dans la capitale.
"Nous disons à Abadi que celui qui dirige doit avoir le coeur fort et être courageux. S'il ne l'est pas, il doit partir", a-t-il dit à Reuters.
A Bassorah, dans le sud du pays, un autre responsable d'Assaïb, Abbas al Tamimi, a tenu des propos similaires et affirmé que ses partisans n'allaient pas en rester là.
"Notre patience envers les crimes des tyrans saoudiens est épuisée", a-t-il dit.
Les spécialistes de la région soulignent que Haïdar al Abadi ne peut pas se permettre de s'aliéner la communauté sunnite irakienne s'il veut venir à bout de l'EI, qui a prospéré sur la marginalisation des sunnites à l'époque de son prédécesseur, Nouri al Maliki.
"Abadi a besoin de tous les alliés possibles", souligne Mona Alami, chercheuse du centre de réflexion Atlantic Center basée à Beyrouth.
Le chef du gouvernement irakien, qui a proclamé que 2016 serait l'année de la "victoire finale" contre l'EI, a aussi besoin du soutien des pays arabes sunnites, d'autant que ceux-ci l'ont appuyé la semaine dernière dans sa dispute avec Ankara à propos du déploiement de soldats turcs dans le nord de l'Irak.
(Maher Chmaytelli, Tangi Salaün pour le service français)