Un bras de fer s'est engagé sur la future réforme du Code du travail, le tandem Macron/Philippe restant inflexible sur ses intentions d'aller vite quand les syndicats réclament du temps pour la concertation.
Dimanche, lors de la passation du pouvoir à l'Elysée, Emmanuel Macron l'a dit: il ne cèdera "sur rien des engagements pris vis-à-vis des Français".
Sur le plan social, il est question de la réforme du code du travail, qui doit intervenir dès cet été et par ordonnances.
Les détails ne sont pas encore connus, mais le candidat Macron avait promis de donner plus de place à l'accord d'entreprise, de plafonner les indemnités prud'homales en cas de licenciement sans cause réelle ou sérieuse (hormis les cas de discrimination, de harcèlement) ou encore d'instaurer le référendum dans l'entreprise à l'initiative de l'employeur.
Lundi, dès sa nomination, le Premier ministre Edouard Philippe a estimé que le choix d'Emmanuel Macron de recourir aux ordonnances pour légiférer sur cette réforme, qui poursuit la logique de la loi El Khomri, ne signifiait pas "le refus de la discussion".
Mais s'il assure qu'il y aura "évidemment consultation et discussion" avec les partenaires sociaux, il y aura aussi "rapidité d'exécution", a tempéré ce proche d'Alain Juppé, qui doit nommer ce mardi son gouvernement.
Il peut compter sur le soutien du patronat. Pierre Gattaz, le président du Medef, a appelé mardi le nouvel exécutif à "aller vite", estimant que la réforme du marché du travail "est le sujet majeur de la France aujourd'hui".
Pour lui, le plafonnement des indemnités prud'homales, point de clivage avec les organisations syndicales, "est un symbole, un tabou qu'il faut faire tomber en France".
"Beaucoup de chefs d'entreprises, les plus petits, sont terrorisés par le fait qu'il n'y ait pas de plafond", assure-t-il.
Il y a un an, la première version de la loi travail, pilotée par Emmanuel Macron alors ministre de l'Economie, prévoyait déjà un plafonnement obligatoire, en fonction de l'ancienneté. Mais face à la bronca des syndicats, avocats, politiques et économiques, elle été retoquée, au profit d'un barème simplement indicatif (jusqu'à 21,5 mois de salaires pour 43 ans d'ancienneté).
- Se débarrasser 'des boulets' -
Aujourd'hui, une telle mesure reste une ligne rouge pour les syndicats. "Nous pensons que le préjudice doit être réparé intégralement", a expliqué mardi Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. Ce leader syndical, qui avait croisé le fer avec M. Macron l'année dernière sur ce même sujet, réclame une "démonstration de l'efficacité" d'un plafonnement.
Plus globalement, les organisations syndicales, éreintées après des mois de bataille autour de la loi travail, réclament du temps pour la concertation. La loi Larcher de 2008 sur le dialogue social prévoit pour toute réforme du travail une concertation avec les partenaires sociaux, sauf "en cas d'urgence".
Les syndicats espèrent être reçus par Emmanuel Macron après son investiture, dès cette semaine, mais aucune date n'a encore été arrêtée.
Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT, a prévenu qu'il ne fallait pas que ces éventuelles rencontres soient "un alibi pour dire +ça y est, je les ai vus, je me suis débarrassé des boulets, maintenant je fais ce que je veux+".
Pour le président de la CFE-CGC, François Hommeril, qui a donné une impulsion à gauche à la centrale des cadres à son arrivée pendant les débats sur la loi El Khomri, il n'y a pas d'"urgence" à réformer à nouveau le code du travail.
Idem pour Philippe Louis, à la tête de la CFTC, et Luc Bérille, secrétaire général de l'Unsa, qui avaient pourtant soutenu la loi travail, comme la CFDT.
Pour M. Bérille, il "reste à prouver que la réforme du marché du travail est vraiment la clé du retour à l'emploi". Laurent Berger, lui, demande qu'une évaluation soit d'abord faite sur "les nombreuses réformes" lancées pour lutter contre le chômage (ruptures conventionnelles, nouvelles procédures sur les plans sociaux...).