Jeremy Corbyn, le nouveau leader du parti travailliste, veut mettre fin à l'austérité et prône un interventionnisme économique en rupture avec les politiques mises en oeuvre au Royaume-Uni depuis des décennies, y compris par son propre camp.
"L’austérité est un choix politique imposé par ce gouvernement aux plus vulnérables et aux plus pauvres de notre société", a lancé mardi M. Corbyn, sous les applaudissements des délégués de la confédération syndicale TUC réunis en congrès à Brighton (sud).
Le député, fraichement élu à la tête du Labour, leur a promis de combattre à leurs côtés le projet de loi conservateur visant à limiter le droit de grève. Il veut aussi s’opposer aux coupes dans les prestations sociales adoptées par le gouvernement de David Cameron, réélu en mai Premier ministre pour un nouveau mandat de cinq ans.
Signe de sa détermination à appliquer un programme très à gauche, M. Corbyn a nommé l'un de ses proches responsable du parti pour les questions financières, John McDonnell. Ce dernier est connu dans le pays pour une boutade disant qu'il voulait "retourner dans les années 80 pour assassiner Thatcher".
Aussitôt nommé chancelier de l’Échiquier dans le cabinet fantôme d'opposition, M. McDonnell, un radical très critiqué au sein même de son parti, a expliqué vouloir "transformer" le système capitaliste.
Ce "socialiste" autoproclamé critique vertement la hausse de l'emploi précaire et l'aggravation des inégalités, revers de la confortable croissance que connaît le Royaume-Uni.
- Les "corbynomics" ou le retour de l'État -
Face à un gouvernement qui ne jure que par le recul de l'Etat et la libre entreprise, Jeremy Corbyn et John McDonnell veulent renverser la tendance avec un cocktail de politiques interventionnistes baptisées "corbynomics".
Ils veulent mettre sur pied une Banque nationale de l'investissement chargée de financer pour des milliards de livres des programmes d'infrastructure ou de développement des industries innovantes.
Pour l'abonder, les plus riches seraient mis à contribution tandis que la sacro-sainte indépendance de la banque centrale pourrait être abandonnée.
Jeremy Corbyn réclame aussi des nationalisations, notamment pour les sociétés de chemins de fer privatisées au début des années 1990, décision que les travaillistes n'avaient jamais remise en cause. Là encore, c'est un virage à 180° face à la politique d'un gouvernement qui multiplie les privatisations.
Le nouveau leader du Labour prône encore une hausse du salaire minimum et la fin des contrats "zéro heure", qui permettent aux entreprises d'embaucher une personne sans garantie de temps de travail minimum, imposant une flexibilité totale.
- Adieu New Labour -
Avec ce programme, M. Corbyn prend aussi ses distances avec les positions "pro-entreprises" de son prédécesseur Ed Miliband, défait aux élections de mai face à David Cameron. Et il consomme la rupture avec l'époque du "New Labour" centriste des Premiers ministres Tony Blair et Gordon Brown.
"Ed Miliband avait tiré le parti à gauche en comparaison de l'époque de Gordon Brown et Corbyn va représenter un nouveau bond vers la gauche", estime Erik Nielsen, chef économiste chez Unicredit (MILAN:CRDI).
Sans surprise, le patronat ne s'enthousiasme guère pour cette nouvelle direction du parti, même si son programme a peu de chances d'être mis en œuvre pour l'instant, les prochaines élections générales n'ayant lieu qu'en 2020.
Les milieux économiques, dans l'ensemble favorables à l'adhésion à l'Union européenne, s’inquiètent aussi de la posture eurosceptique de Jeremy Corbyn à l'approche d'un référendum sur la place du pays dans l'UE promis par David Cameron d'ici la fin 2017.
Les corbynomics "saperaient notre économie ouverte et compétitive", a commenté Simon Walker, patron de l'Institut des Directeurs, une organisation de dirigeants d'entreprises.