La récession qui frappe la Russie perd en intensité, s'est félicité lundi le gouvernement, mais les ménages payent un coût toujours plus lourd, et le risque est désormais la stagnation.
Après l'annonce d'une chute de la consommation sans équivalent en 15 ans de statistiques disponibles, le ministre de l'Economie Alexeï Oulioukaïev l'a reconnu lors d'une émission télévisée: "Je suis convaincu que nous n'allons pas tomber plus bas, mais nous allons nous rétablir lentement".
Sur le papier, la crise, qui a éclaté de manière spectaculaire fin 2014 par un effondrement du rouble à cause de la baisse des cours du pétrole et des sanctions liées à la crise ukrainienne, semble s'atténuer. Selon les estimations du gouvernement publiées lundi, le produit intérieur brut a reculé de 4,3% au troisième trimestre par rapport au deuxième trimestre, contre 4,6% au deuxième.
"Le pic de la crise a été atteint" en dépit de la rechute des cours de l'or noir pendant l'été, avait assuré la semaine dernière Vladimir Poutine devant un parterre d'investisseurs.
Le vice-ministre de l'Economie chargé des prévisions économiques, Alexeï Vedev, a précisé ce scénario lundi: "L'économie a atteint le fond en juin-juillet" et une "petite croissance" est à prévoir pour l'an prochain.
Pour cette année, le gouvernement table sur une contraction de 3,9% du PIB, après une croissance de 0,6% en 2014.
Si certains indicateurs comme la production industrielle ou les investissements ont bien modéré leur diminution en septembre, aucune accalmie n'est en vue sur le front de la consommation, moteur de la forte croissance des années 2000.
Selon le service fédéral des statistiques Rosstat, les ventes de détail ont diminué en septembre de 10,4% par rapport au même mois un an plus tôt, contre 9,1% en août. Du jamais vu dans les statistiques disponibles, qui remontent à 2000, a relevé l'agence de presse d'Etat Ria-Novosti.
Les revenus réels des ménages, plombés par l'inflation, ont reculé de 9,7% sur un an en septembre contre 9,8% en août.
- Stagnation en vue ? -
"Si la crise touchant l'industrie semble avoir passé son point bas, la chute des dépenses de consommation s'aggrave", a résumé Liza Ermolenko, du cabinet Capital Economics.
L'effondrement du rouble a provoqué une envolée des prix, plombant le pouvoir d'achat. Peu d'entreprises ont indexé les salaires à l'inflation et le gouvernement, soucieux d'éviter un dérapage budgétaire, n'a que faiblement augmenté les traitements des fonctionnaires et les retraites depuis un an, au coeur du système de redistribution.
Bien que le taux de chômage reste à un niveau historiquement faible (5,2%), le nombre de Russes vivant sous le seuil de pauvreté a dépassé 15% de la population, cette proportion dépassant même 35% dans certains régions.
"La consommation et les investissements ont peu de chances de rebondir en 2016" a estimé lundi l'agence Fitch, n'attendant qu'une "timide reprise au second semestre 2016".
A moyen terme, rares sont les experts à s'attendre à un rebond économique vigoureux comme celui observé après les crises de 1998 et 2009.
Standard & Poor's a prévenu vendredi prévoir une croissance de 0,4% par an en moyenne entre 2015 et 2018 contre 2,4% en moyenne les quatre années précédentes. S&P explique cette prévision "d'une part par le ralentissement économique déjà entamé avant les événements en Ukraine" et d'autre part par le "manque de financement extérieur dû aux sanctions économiques et à la chute des prix du pétrole".
Le gouvernement a pour l'instant puisé dans les réserves accumulées ces dernières années quand les cours du pétrole étaient élevés pour financer des mesures anticrise. Face au risque de stagnation prolongée, il cherche désormais de nouvelles sources d'économies et de revenus pour le prochain budget en cours de préparation.
Ce dernier pourrait intégrer de nouvelles taxes sur le secteur pétrolier, un sujet au coeur d'intenses débats au sein du gouvernement. En revanche, il devrait préserver le secteur de la Défense, en forte hausse ces dernières années, au moment où la Russie est engagée dans des frappes aériennes en Syrie.
"Le projet de budget serré va clairement affecter les décisions du secteur réel et encourager les entreprises (...) à plus d'austérité, limitant la reprise", ont estimé les analystes de la banque Alfa.