La patronne des patrons Laurence Parisot semble prise au piège dans sa volonté de faire changer les statuts du Medef pour rester à sa tête, après un début de semaine favorable puis des défections et frondes en série, à quelques jours d'un vote décisif.
Lundi soir, les événements paraissaient lui sourire: les sept membres du comité statutaire venaient de proposer à l'unanimité de nouveaux statuts qui l'autoriseraient à se présenter pour un troisième mandat.
Et son président Georges Drouin expliquait à la presse la volonté du comité de contribuer à la "mise en place d'une gouvernance modernisée et démocratique".
Le lendemain, Mme Parisot, 53 ans, interrogée sur des accusations de "putsch" lors de sa conférence de presse mensuelle, avait fini par s'en prendre vivement à ses adversaires qu'elle mettait au défi de la battre dans une élection.
"Il est évident que certains craignent finalement la confrontation électorale", avait-elle déclaré. "Je crois qu'il ne faut pas avoir peur de la confrontation électorale. Je l'ai redit d'ailleurs à certains. J'ai dit à Pierre Gattaz: +Mais Pierre tu peux peut-être gagner, tu peux me défaire ! Ce sera même plus intéressant+", avait-elle lancé en souriant sur un ton de défi.
Elle faisait allusion à l'un des candidats déclarés, le président du Groupe des fédérations industrielles (GFI). M. Gattaz, 53 ans, avait alors réagi en disant que son "combat" ne concernait "pas Laurence Parisot" mais "l'entreprise".
Actuellement, un président sortant peut, après un premier mandant de cinq ans, se présenter pour un second mandat uniquement et de trois ans seulement. Le second mandat de Mme Parisot s'achève le 1er juillet.
Le comité statutaire du Medef, saisi en janvier par Mme Parisot, a proposé lundi au conseil exécutif l'introduction de mandats de cinq ans sans limite autre que l'âge du candidat: 67 ans.
Ces propositions doivent à présent être votées le 28 mars à la majorité simple par le conseil composé de 45 membres avant d'être soumises à une assemblée générale extraordinaire.
Démarche "pas éthique" pour l'UIMM
Dès jeudi, la plus grande fédération du Medef, l'UIMM, annonçait que son conseil avait rejeté à l'unanimité les propositions. Or, l'Union des industries et métiers de la métallurgie représente un peu moins du tiers des 560 membres votants de l'assemblée générale et pourrait donc, si elle était suivie même par un nombre réduit d'autres membres, faire pencher la balance dans le sens d'un refus de la réforme.
Son président Frédéric Saint-Geours, s'il se lançait dans la bataille pour la présidence, serait un adversaire de poids. "Réformer les statuts du Medef aujourd'hui, si près de l'élection ça ne me paraît pas correct, pas éthique", a-t-il récemment commenté.
En fin de semaine c'était au tour d'un fidèle lieutenant de Mme Parisot, Patrick Bernasconi, chef de la Fédération nationale des travaux publics et perçu comme son dauphin, de la lâcher.
"Laurence Parisot devrait fédérer les entreprises, or cette initiative les divise", accuse-t-il dans un entretien publié vendredi dans le journal Le Monde. "Les entrepreneurs sur le terrain ne cessent de m'interpeller sur l'image désastreuse que nous renvoyons", témoigne-t-il. Interrogé sur une éventuelle candidature, il répond: "Ma décision est prise et je la ferai connaître très rapidement".
Charles Beigbeder, membre du conseil exécutif du Medef et autre proche de la présidente sortante, tout en jugeant "tout à fait noble" de "vouloir affronter le suffrage", a qualifié la démarche de "violence" faite aux candidats déclarés, dans un récent entretien accordé à l'AFP. Il a promis de voter contre la réforme le 28 mars.
Ce vote sera-t-il à main levée ou secret ? Le flou et la division semblent régner. Mardi, Mme Parisot a affirmé ne pas savoir et critiqué les partisans de la confidentialité. "Le conseil exécutif de lundi s'est prononcé à l'unanimité moins une personne pour un vote à bulletin secret", affirme pour sa part M. Bernasconi.