Le Premier ministre hongrois Viktor Orban, dont le parti conservateur est donné gagnant aux élections législatives du 6 avril, se targue d'avoir redressé l'économie du pays grâce à sa politique non conventionnelle tant décriée, mais la réalité n'est pas aussi rose.
Après une récession en 2012, la croissance de l'ancien Etat du bloc communiste est repartie, avec 1,2% en 2013. Le gouvernement mise sur une progression de 2% cette année.
Avec un taux de 8,6% fin février, le taux de chômage n'a jamais été aussi faible depuis cinq ans. L'inflation est au plus bas depuis quarante ans.
Dès son arrivée au pouvoir, Viktor Orban, 50 ans, avait déclaré la guerre à l'endettement. Après huit ans de règne socialiste, durement marqués par la crise économique et financière de 2008, la Hongrie était au bord de la faillite.
Le gouvernement a ramené le déficit public sous la barre des 3% du Produit intérieur brut (PIB) et la Hongrie n'a plus à craindre le gel de ses fonds de cohésion européens, une manne pour son économie.
Vendredi, l'agence de notation Standard & Poor's a revu à la hausse la perspective de la dette souveraine du pays, arguant de "risques plus équilibrés", mais tout en laissant la note dans la catégorie spéculative.
"Si nous continuons ainsi, nous pouvons nous fixer de façon réaliste l'objectif de devenir le pays d'Europe le plus industrialisé" à l'horizon 2018, a récemment déclaré Viktor Orban dans un entretien.
- Manque de ressources -
Si les chiffres semblent confirmer "le conte de fées" de l'économie hongroise prédit par György Maltocsy, l'ancien ministre de l'Economie devenu président de la Banque centrale, de nombreux experts mettent en garde contre ses faiblesses.
Les trois quarts de la croissance l'an passé sont liés à des récoltes exceptionnelles dans l'agriculture, la relance de l'économie mondiale et dans la zone euro a fait le reste. Le programme d'emplois d'intérêt général au rabais enjolive les statistiques de l'emploi.
Le pays ne sort en fait "que très lentement de la récession, car il ne possède pas assez de ressources pour financer une croissance dynamique", indique à l'AFP la chef économiste de l'Institut de recherche financière de Budapest, Eva Varhegyi.
Avec 16% du PIB, "le niveau des investissements est insuffisant pour maintenir les niveaux de production, et loin des 25% nécessaires pour assurer un développement à long terme", pointe Sandor Jobbagy, analyste chez CIB à Budapest.
Ce manque de ressources est justement un résultat des mesures "non conventionnelles" du gouvernement, qui ont échaudé les investisseurs étrangers, estiment les experts.
Cette politique consiste en une multitude de taxes aux secteurs industriels (télécommunication, distribution, énergie) et bancaire. L'industrie automobile, puissante grâce aux grands groupes allemands implantés en Hongrie, est en revanche épargnée.
- Défense des familles hongroises -
Viktor Orban ne manque jamais une occasion de justifier cette politique "agressive"."Nous défendons les familles hongroises des monopoles, des cartels et des bureaucrates de l'empire" européen, a-t-il lancé lors d'un récent discours.
Dans le même esprit, il a imposé aux fournisseurs d'énergie étrangers une réduction de la facture de gaz et d'électricité des foyers hongrois de quelque 20% au total. La dernière baisse doit être appliquée quelques jours avant les élections.
La mesure, très populaire, fait oublier le tribut payé par la population à l'austérité sous Orban. Le revenu disponible moyen était parmi les plus faibles des pays de l'OCDE en 2012/2013, 30% des Hongrois disent ne pas avoir les moyens de s'acheter suffisamment de nourriture, contre une moyenne de 13,2%, révélait l'organisation dans une récente étude en mars.
Les Hongrois ont dû encaisser un relèvement de la Taxe sur la valeur ajoutée à 27%, et un passage d'une imposition en fonction des revenus à un impôt à taux unique de 16%, qui a appauvri les classes les plus modestes.
Et quand le gouvernement a eu besoin d'argent pour réduire son endettement, il a nationalisé les fonds de retraites privés, récupérant 10 milliards d'euros cotisés par les citoyens. Pourtant l'endettement global a reculé seulement de 82% à 80% du PIB en quatre ans, et reste le plus élevé des pays d'Europe centrale.