La séparation de la banque de détail et des activités de marché, prônée aux Etats-Unis et au Royaume-Uni et promise dimanche par le candidat socialiste à la présidentielle François Hollande, est tour à tour louée et critiquée avec la même vigueur.
"Maîtriser la finance commencera (...) par le vote d'une loi sur les banques qui les obligera a séparer leurs activités de crédit par rapport aux opérations spéculatives", a annoncé dimanche M. Hollande lors de son premier grand discours de candidat.
Le projet est directement inspiré de la réforme en cours au Royaume-Uni, née d'un rapport produit par une commission ad hoc présidée par l'économiste et universitaire John Vickers.
Ses conclusions ont été validées par le gouvernement britannique, qui prévoit de contraindre, d'ici 2019, les banques à isoler leur banque de détail des activités de marché.
Avant les Britanniques, le conseiller du président américain Barack Obama, Paul Volcker, avait prôné l'idée en 2009, sans succès.
"Pour moi, cette mesure est fondamentale", a commenté El Mouhoub Mouhoud, professeur à Paris-Dauphine, à Sciences-Po et membre du centre de réflexion Terra Nova, proche du Parti socialiste.
"C'est une régulation qui aurait dû être mise en place dès 2008", au moment de l'éclatement de la crise financière, selon lui.
La séparation aurait, selon ses promoteurs, l'intérêt de préserver les dépôts et les épargnants des risques pris par les banques dans leurs activités de marché. Elle permettrait également, selon le rapport Vickers, à l'Etat de limiter un sauvetage éventuel à la banque de détail.
"Je suis d'accord qu'on est allé trop loin dans le développement financier, sans suffisamment s'interroger sur l'utilité sociale des nouveaux produits et des nouvelles techniques financières dont on réalise aujourd'hui que certains étaient inutiles, voire dangereux", estime Jézabel Couppey-Soubeyran, professeur à l'université Paris-I Panthéon Sorbonne.
"Mais règlera-t-on cela par la séparation des activité de détail et de banque de financement et d'investissement? Personnellement, je ne le pense pas", ajoute-t-elle.
Elle cite les deux exemples les plus marquants d'implosions bancaires qui ont fait vaciller le système lors de la crise de 2008, à savoir l'américaine Lehman Brothers et la britannique Northern Rock, qui étaient l'une une pure banque de marché et l'autre uniquement une banque de détail.
Les exemples de sauvetages de banques diversifiées existent néanmoins, principalement ceux de la belgo-néerlandaise Fortis, de la néerlandaise ING, de la belgo-française Dexia ou de la britannique Royal Bank of Scotland (RBS).
Aucune banque française n'a cependant été menacée et les prêts ponctuels qu'elles ont reçues en 2008 et 2009 ont été intégralement remboursés avec intérêts.
Interrogée par l'AFP, la fédération bancaire française n'a pas voulu commenter cette proposition.
"Il est illusoire de penser qu'il y a des produits ou des activités sains d'un côté, risqués de l'autre", avait mis en garde le président de la Fédération bancaire française (FBF) et PDG de Société Générale, Frédéric Oudéa, dans un entretien aux Echos, fin décembre.
"Cette séparation va induire un coût supplémentaire pour la création des produits et, au final, pour le client, qu'il soit particulier ou entreprise", prévient Thomas Rocafull, directeur-associé au sein du cabinet Sia conseil.
Concrètement, la séparation obligerait la banque à renforcer ses fonds propres de chaque côté de la ligne de démarcation, alourdissant le coût d'un crédit pour chaque établissement.
M. Rocafull rappelle que la logique de la réforme Vickers a pour but, outre de protéger les épargnants, "de ne pas affaiblir la place financière de Londres".
L'idée n'est, en effet, pas de contrôler davantage les banques de marché, mais de les isoler.