Les pays de la péninsule ibérique, l'Espagne et le Portugal, au centre jeudi d'inquiétudes croissantes sur l'état de leurs finances publiques, font redouter aux investisseurs un scénario à la grecque, ce qui a provoqué un plongeon des Bourses de Madrid et Lisbonne.
La Bourse de Madrid a fini en piqué, à -5,94%, tandis que Lisbonne dévissait de 4,98%, nettement plus que les autres places européennes.
Depuis plusieurs jours, observateurs et analystes s'inquiètent de l'état des finances publiques de ces deux pays, agitant l'épouvantail de la Grèce, dont les déficits et la dette publics sont si élevés que la Commission européenne a décidé mercredi de placer le pays sous une quasi-tutelle.
Mercredi, le commissaire européen sortant aux Affaires économiques, l'Espagnol Joaquin Almunia, avait mis la Grèce, l'Espagne et le Portugal dans le même panier, provoquant l'irritation de Madrid et de Lisbonne.
"Certains membres de la zone euro, avec des positions de départ différentes, des caractéristiques différentes, partagent des problèmes communs", avait-il déclaré, mentionnant la Grèce, le Portugal et l'Espagne.
Or "si la Grèce est un problème pour la zone euro, l'Espagne pourrait être un désastre parce qu'elle en est la quatrième économie", a souligné l'économiste américain Nouriel Roubini, dans une note d'analyse.
Le chef de file des ministres des Finances de la zone euro, Jean-Claude Juncker, a tenté de calmer le jeu en fin d'après-midi, assurant que l'Espagne et le Portugal ne représentaient "pas de risque" pour la zone monétaire.
Entrée en récession en 2008, l'Espagne a vu ses finances publiques se dégrader à une vitesse vertigineuse, avec des déficits publics passant d'un excédent de 2,23% du PIB en 2007 à un déficit de 11,4% en 2009. Sa dette publique a grimpé de 36,2% du PIB en 2007 à 55,2% en 2009 et devrait filer jusqu'à 74,3% en 2012 selon les prévisions du gouvernement.
Madrid a promis de ramener le déficit à 3% en 2013. Le gouvernement a annoncé la semaine dernière un plan d'austérité de 50 milliards d'euros sur trois ans, accueilli avec scepticisme par certains analystes qui jugent ses prévisions de croissance optimistes.
Le déficit public de l'Espagne est proche de celui de la Grèce, estimé à 12,7% du PIB en 2009, mais la dette de la Grèce est nettement supérieure (113% du PIB).
Quant au Portugal, le gouvernement socialiste s'est engagé à ramener son déficit public à 8,3% du PIB en 2010, après 9,3% en 2009, un record depuis l'avènement de la démocratie en 1974. La dette publique s'élevait en 2009 à 76,6% du PIB et devrait atteindre 85,4% du PIB en 2010.
Après la Grèce, le Portugal est devenu la nouvelle "proie" des marchés, a accusé le ministre portugais des Finances Fernando Teixeira dos Santos, dénonçant le comportement "irrationnel" des investisseurs.
Les investisseurs sont nerveux vis-à-vis de la péninsule ibérique. Le marché bruisse de rumeurs sur un possible abaissement de la perspective de l'Espagne par une agence de notation, Fitch ou Moody's, qui emboîterait le pas de leur homologue Standard & Poor's qui a déjà sévi en décembre.
"L'attention des investisseurs bascule de la Grèce vers le Portugal et l'Espagne. Les investisseurs craignent que leurs objectifs (de redressement budgétaire) ne soient pas suffisants pour convaincre l'UE et, surtout, les agences de notation", estime Kornelius Purps (Unicredit), interrogé par l'AFP.
Se financer devient de plus en plus coûteux pour l'Espagne. Jeudi, le Trésor a procédé à une émission de bons d'une maturité de trois ans, à un taux moyen de 2,61%, alors que lors de la précédente émission du même type, le 3 décembre, le taux n'avait été que de 2,13%.