par Antoni Slodkowski et Nobuhiro Kubo
TOKYO (Reuters) - Le gouvernement de Tokyo a condamné l'exécution d'un des deux otages japonais aux mains de l'Etat islamique (EI), annoncée samedi sur YouTube, et exigé la libération du second captif, le journaliste Kenji Goto.
"Il s'agit d'un acte de violence atroce et inacceptable", a déclaré le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, à son arrivée à ses bureaux dans la nuit de samedi à dimanche. "Nous exigeons avec fermeté la libération immédiate" de l'autre otage, a-t-il ajouté. "Nous ne céderons pas au terrorisme."
"Nous utilisons tous les moyens et canaux diplomatiques pour obtenir une libération", a ensuite dit le Premier ministre aux journalistes à l'issue d'une réunion avec plusieurs de ses ministres, dont celui de la Défense et des Affaires étrangères.
Le document diffusé un moment sur YouTube puis effacé n'a pas été officiellement authentifié, ce que cherchent à faire les services japonais et américains.
Il montre une image de Kenji Goto, 47 ans, portant un t-shirt orange. Cette image est accompagnée d'un enregistrement audio, apparemment du journaliste japonais qui s'exprime en anglais.
Dans cet enregistrement, Goto dit que l'autre otage, Haruna Yukawa, "a été tué sur la terre du Califat islamique".
Il demande au gouvernement japonais d'agir pour éviter qu'il soit tué à son tour.
Il précise que ses ravisseurs le relâcheront en échange de la libération d'une militante irakienne de l'EI, Sadjida al Richaoui, détenue en Jordanie.
Il ajoute que l'EI a abandonné sa précédente exigence d'une rançon de 200 millions de dollars, pour laquelle les islamistes avaient fixé un ultimatum de 72 heures qui est arrivé à expiration vendredi.
ÉCHANGE CONTRE UNE DÉTENUE ISLAMISTE EN JORDANIE
"Je voudrais souligner combien il est facile de me sauver la vie", poursuit l'otage. "Rendez-leur leur soeur qui est aux mains du régime jordanien et je serai immédiatement relâché. Moi contre elle."
Sadjida al Richaoui a été arrêtée en 2005 alors qu'elle tentait de faire exploser les explosifs qu'elle portait sur elle dans un hôtel d'Amman, la capitale jordanienne.
"Je veux croire dans (mon) gouvernement et attendre. Le gouvernement japonais ne laissera pas tomber mon fils. Il reviendra", a déclaré aux journalistes la mère de Goto, Junko Ishido.
Le président américain Barack Obama, en route pour une visite en Inde, a vigoureusement condamné dans un communiqué l'assassinat de Haruna Yukawa et demandé la libération immédiate de Kenji Goto et de tous les autres otages.
Le secrétaire d'Etat américain John Kerry a, lui, dénoncé dans un communiqué "le meurtre méprisable d'un innocent citoyen japonais".
Deux sources gouvernementales américaines ont indiqué que Washington estime que Yukawa a été exécuté même si l'authenticité de l'enregistrement doit encore être établie.
Ce serait la première fois que l'EI revendique une exécution par une simple image et un enregistrement audio, au lieu des films des décapitations habituellement diffusés par le groupe djihadiste.
Haruna Yukawa, 42 ans, a été capturé par les islamistes en août dernier près d'Alep, alors qu'il s'était rendu en Syrie pour, selon ce qu'il disait à ses proches, monter une société de sécurité. Kenji Goto, lui, est allé en Syrie fin octobre pour tenter d'obtenir la libération de son compatriote, d'après ses proches.
L'EI, qui contrôle de vastes territoires de Syrie et d'Irak, a mis en ligne mardi dernier une vidéo montrant les deux otages japonais, qu'il menaçait d'exécution si Tokyo ne lui versait pas au plus tard vendredi une rançon de 200 millions de dollars.
(Avec William Mallard à Tokyo, Mariam Karouny à Beyrouth et Matt Spetalnick à Washington; Eric Faye et Guy Kerivel pour le service français)