L’ancien fleuron de l’armement français Manurhin s'impatiente. L’Etat, qui a promis son entrée au capital pour assurer la survie de l'entreprise, n'a toujours pas donné suite alors que le temps est compté.
"Nous construisons un puzzle à trois pièces. Les deux premières sont sur la table, il manque celle de l’Etat. Le temps presse, c’est une question de jours", décrit Rémy Thannberger, PDG depuis l’an dernier de l’entreprise de 130 salariés basée à Mulhouse (Haut-Rhin).
Manurhin, rendue célèbre par ses revolvers et recentrée aujourd’hui sur la fabrication de machines de munitions, a sollicité l’Etat pour participer à une augmentation de capital "de 5 à 10 millions d’euros", expose M. Thannberger. Cette augmentation associe le slovaque Delta Defence et des fonds du conseil régional d’Alsace. Or au terme de plusieurs mois de discussions, le gouvernement n’a pas donné son accord contrairement aux deux autres investisseurs. Et Delta Defence conditionne sa venue à celle de l’Etat, compte tenu des contraintes administratives particulières qui régissent le secteur de l’armement, ajoute le dirigeant.
A court de fonds propres, l’entreprise puise actuellement dans ses ultimes réserves et faute de déblocage rapide de la situation, son dépôt de bilan prochain est prévisible, reconnaît M. Thannberger. Le coût pour les comptes publics du licenciement du personnel serait bien supérieur aux montants qu’exige l’entrée au capital, fait-il observer.
Le dirigeant indique ne pas comprendre les tergiversations de l’Etat, car la pérennité de l’entreprise est assurée par un carnet de commandes "équivalent à quatre années pleines d’activité". En outre, Delta Defence, qui deviendrait premier actionnaire avec un tiers du capital, s’est engagé à ne délocaliser ni la production ni le centre de décision.
Les salariés s’indignent également. Ils sont "laissés à l’abandon, sans aucun signe de l’Etat", écrit la CFDT, principal syndicat du site, dans un courrier à Nicolas Sarkozy du 20 septembre.
"Nous ne comprenons pas qu’une entreprise dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est plus que viable se retrouve dans cette situation qui semble s’orienter vers un gâchis humain et industriel", ajoute la CFDT.
La fragilité de Manurhin vient de sa situation financière: ses fonds propres sont réduits à peau de chagrin, conséquence d’errements passés. Les comptes de 2010 sont déficitaires de 2,5 millions d’euros, pour un chiffre d’affaires de 20 millions d’euros.
L’Etat entrerait au capital via la société de conversion Sofred et Nexter, l’entreprise publique d’armement ex-GIAT. Manurhin avait sollicité d’abord le Fonds de consolidation et développement des entreprises (FCDE), outil du FSI, mais il a été éconduit "sans que personne ne vienne nous voir, c’est stupéfiant", commente M. Thannberger.
Selon le dirigeant, le blocage actuel se situe "à Bercy, chez M. Baroin" dont le cabinet, sollicité par l'AFP, n'a pas réagi.
"Nous avons l’accord du ministère de la Défense. Je n’imagine pas Manurhin disparaître à cause de lourdeurs administratives", conclut Rémy Thannberger.