La famille d'un vigneron bordelais décédé d'une maladie liée à l'utilisation de pesticides a déposé plainte contre X lundi à Paris, avec l'espoir de briser "l'omerta" régnant selon elle sur l'impact sanitaire de ces substances.
Cette dénonciation pour "homicide involontaire" est "la première plainte pénale en France" dans ce type de dossier, a assuré l'avocat François Lafforgue, qui représente la famille, au cours d'une conférence de presse. Elle a été déposée devant le Pôle de santé publique du TGI de Paris, avec le soutien de deux ONG, Générations Futures et Phyto-Victimes.
Le vigneron James-Bernard Murat est mort en décembre 2012 d'un cancer dont le caractère professionnel, lié à l'utilisation d'arsénite de sodium, avait été reconnu en février 2011.
Il a utilisé pendant 42 ans, "de 1958 à 2000, de l'arsénite de sodium pour traiter ses vignes contre l'esca", une maladie due à des champignons parasites, a expliqué sa fille Valérie Murat.
"Jamais aucun professionnel des chambres d'agriculture, des institutions, des distributeurs, des représentants des firmes n'avait parlé de la dangerosité de ce produit", a-t-elle affirmé. "Je voudrais alerter les professionnels qui, comme mon père, ont utilisé ce produit pendant des années", a-t-elle ajouté.
Il est interdit en France depuis novembre 2001.
La plainte vise à "dégager toutes les responsabilités", a déclaré Me Lafforgue: celle "des fabricants de pesticides, qui n'ont pas informé les utilisateurs de la dangerosité des produits, des mesures de protection à prendre, de leur composition", mais aussi celle des "services de l'Etat".
C'est en effet "avec la complaisance de l'Etat que ces produits ont été laissés sur le marché alors qu'on savait qu'ils étaient dangereux", a affirmé l'avocat, rappelant qu'ils ont été interdits en 1973 pour l'agriculture et seulement en 2001 pour la viticulture.
"On s'explique mal cette période de presque 30 ans et on attend des réponses", a-t-il souligné.
Mme Murat a accusé les institutions viticoles bordelaises d'entretenir une "omerta" et expliqué qu'elle entendait par sa plainte donner "un coup de pied dans la fourmilière".
La viticulture est "extrêmement consommatrice de pesticides: c'est 3% de la surface agricole utilisée et 20% du tonnage annuel de pesticides en France", a-t-elle rappelé.
En France, "les produits phytosanitaires, c'est deux milliards (d'euros) de chiffre d'affaires", a indiqué pour sa part Paul François, président de Phyto-Victimes, en procès contre la multinationale américaine Monsanto après un accident de santé lié à l'usage d'un herbicide de la marque.
Comme Mme Murat il a appelé à "sortir du déni".