Plusieurs hommes politiques sont montés au créneau dimanche pour dénoncer la déduction fiscale de 1,69 milliard d'euros dont a bénéficié la Société Générale à la suite de l'affaire Kerviel, alors que la banque a assuré avoir agi "en toute transparence".
"La Société Générale doit rembourser les Français", a exigé Nicolas Dupont-Aignan, président de Debout la République (DLR, souverainiste), en estimant que "le contribuable n’a pas à payer les risques de la spéculation financière".
"Au moment où on rabote les niches fiscales pour les jeunes mariés et les classes moyennes, les Français seront heureux d’apprendre que le Trésor public a offert une déduction de 1,6 milliard à une banque qui a déjà largement profité de la générosité du gouvernement depuis deux ans", ajoute M. Dupont-Aignan.
"Comment admettre que lorsqu'une banque fait une erreur, ce soit le contribuable qui paie?", s'est pour sa part étonné le socialiste François Hollande sur la chaîne de télévision Canal+.
"Parmi toutes les choses choquantes dans cette affaire, et il y en a beaucoup, maintenant on apprend que la Société Générale va être remboursée pour son manque de vigilance et de diligence par rapport à ce qui devait être fait pour surveiller un de ses traders", a-t-il dit.
La Société Générale a récupéré près de 1,7 milliard d'euros sur les 4,9 milliards perdus en 2008 dans l'affaire Kerviel grâce à un dispositif fiscal.
La fiscalité des sociétés leur permet de bénéficier, en cas de pertes exceptionnelles sur un exercice donné, d'une déduction d'impôt. Elle atteint un tiers de la somme perdue, soit le taux d'imposition normal des sociétés.
La banque a précisé samedi que "le traitement fiscal des pertes liées aux agissements frauduleux de Jérôme Kerviel" avait "été fait en toute transparence en conformité avec la réglementation fiscale".
"Toute entreprise déduit ses pertes et coûts de ses revenus pour calculer le montant de ses bénéfices et donc de ses impôts", a-t-elle fait valoir.
Jérôme Kerviel, l'ancien trader de la Société Générale, 33 ans, jugé seul responsable d'une perte record subie début 2008 par la banque, a été condamné mardi par le tribunal correctionnel de Paris à cinq ans de prison dont trois ferme et à 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts.
"C'est scandaleux", s'est emporté Me Olivier Metzner, l'avocat de Jérôme Kerviel. "La Société Générale a récupéré 1,69 milliard d'euros (...) c'est-à-dire que son préjudice ne peut en aucun cas être de 4,9 milliards", a assuré l'avocat sur la radio France Info.
"Elle a trompé le tribunal en ne l'informant pas de cette récupération d'impôt, c'est tout à fait scandaleux, cela se rapproche de l'escroquerie au jugement", a-t-il ajouté.
"On a été totalement transparent, on n'a rien majoré du tout (...), il est indubitable que Jérôme Kerviel, par sa fraude, a fait perdre 4,9 milliards d'euros à la banque", a répliqué sur la radio Europe 1 Me Jean Veil, l'un des trois conseils de la Société Générale lors du procès Kerviel.
"Ayant moins gagné d'argent" du fait de cette "fraude", la banque a "évidemment" payé moins d'impôts, a-t-il poursuivi, jugeant cette situation "tout à fait normale".
Si après l'appel, l'ancien trader rembourse, "ses remboursements seront taxés" à hauteur de 33 centimes pour un euro, a-t-il assuré.
"Ca c'est la vérité. Tout le reste est tout à fait mensonger, outrancier et diffamatoire", a-t-il conclu.
La condamnation de Jérôme Kerviel au paiement de cette somme astronomique de dommages et intérêts avait provoqué de nombreuses réactions d'incompréhension, l'ancien trader n'étant évidemment pas en mesure de la rembourser.
Au lendemain du jugement, la Société Générale avait exclu de réclamer l'intégralité des 4,9 milliards à son ancien trader.