Le compteur d'électricité "intelligent", qui doit être installé en France à partir de 2012, ne permet pas sous sa forme actuelle de réaliser des économies d'énergie au bénéfice du consommateur, et les modifications à apporter risquent encore d'alourdir sa facture déjà élevée.
Ce compteur d'un nouveau type, baptisé Linky, est censé remplacer les 35 millions de boîtiers actuels d'ici à 2020. Actuellement expérimenté dans les régions de Tours et de Lyon, il relève et transmet la consommation électrique pratiquement en temps réel.
Le gestionnaire des lignes basse tension, ErDF, chargé du projet, assure que le coût des compteurs Linky n'excédera pas 120 à 240 euros par usager sur 10 ans, soit un total de 4,2 à 8,4 milliards d'euros. Chaque consommateur paiera en effet l'installation de Linky sur sa facture d'électricité via le Tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (Turpe).
Selon ErDF, ce coût sera largement compensé par les économies d'énergie réalisées grâce à Linky, que le gestionnaire de réseau évalue à "50 euros par an" pour une facture moyenne de 400 euros par foyer.
Cette analyse est cependant mise en doute par l'Agence de l'environnement et de maîtrise de l'énergie (Ademe), dans une note confidentielle dont l'AFP a obtenu copie.
S'il veut avoir un impact en terme d'économie d'énergie, l'Ademe juge que Linky devrait au minimum disposer d'un "affichage pédagogique en temps réel" de la consommation d'électricité, ce qui n'est pas le cas actuellement.
"Linky, tout seul, ne fait pas faire des économies d'énergie", explique Jean-Louis Bal, directeur des énergies renouvelables à l'Ademe. "Mais si on l'utilise pour informer le consommateur, on peut réaliser 5 à 15% d'économies", ajoute-t-il.
"C'est à condition que les informations soient pertinentes, c'est-à-dire qu'on ne se contente pas d'afficher en temps réel le nombre de kilowattheures consommés mais qu'on puisse, par exemple, avoir un comparatif entre la consommation du ménage concerné et la consommation standard", souligne M. Bal.
Dans sa version actuelle, Linky n'offre pas de telles fonctionnalités, qui ne pourront être disponibles que dans un second temps, via un service payant proposé par les fournisseurs d'électricité (EDF, GDF Suez, Poweo, etc.).
L'Ademe critique cette solution et juge "souhaitable" que tous les consommateurs bénéficient de cet affichage en temps réel de leur consommation, sans avoir à payer de supplément. Sans quoi, le risque est "que les ménages les plus modestes n'en bénéficient pas", souligne-t-elle.
Le hic vient cependant du fait que, sur 35 millions de compteurs, environ 17 millions sont installés hors des logements. Or, la mise en place d'un écran d'affichage "déporté" à l'intérieur du logement coûterait 50 euros supplémentaires par compteur soit 850 millions d'euros au total, selon l'Ademe, qui cite une estimation d'ErDF.
ErDF n'a pas fait de commentaire.
Et même avec cet affichage, l'Ademe juge qu'il faudrait au moins un an d'expérimentation pour mesurer l'impact réel du compteur en terme d'économies d'énergie.
Pour l'UFC Que Choisir, c'est la preuve que "Linky n'a pas été conçu pour réaliser des économies d'énergie mais est présenté comme tel pour être mieux +vendu+ aux consommateurs".
Linky "est surtout très utile à ErDF", ajoute Caroline Keller, chargée de mission de l'association de consommateurs. La filiale d'EDF pourra en effet effectuer les relevés de ses compteurs à distance et économisera ainsi sur le coût de déplacement de ses techniciens.