Les Européens ont tiré jeudi la sonnette d'alarme face à la forte progression de l'euro qui pourrait saper leur timide reprise, alors que la menace d'une "guerre des monnaies" entre grands pays face à la crise est prise très au sérieux par le FMI.
"Nous estimons actuellement que l'euro supporte une part disproportionnée de l'ajustement des taux de change dans le monde et que (...) cela pourrait affecter la reprise économique, les exportations", a déclaré le porte-parole de la Commission européenne pour les questions économiques, Amadeu Altafaj.
Une crainte d'autant plus grande que les perspectives de croissance en Europe sont mitigées. Le Fonds monétaire international a tablé cette semaine sur une reprise seulement "modérée et inégale" dans la zone euro, avec une croissance de 1,7% cette année puis un ralentissement à 1,5% l'an prochain.
La crise de la dette, qui a affecté la zone euro au printemps, menace toujours l'Europe en raison des difficultés bancaires et budgétaires de pays comme l'Irlande.
Dans ce contexte, les Européens voient d'un très mauvais oeil le taux de change de l'euro grimper sans cesse. La monnaie unique a franchi jeudi le seuil de 1,40 dollar pour la première fois depuis début février.
En matière de taux de change, "un excès de volatilité est nuisible à la stabilité économique et financière", a ainsi mis en garde jeudi le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, à Francfort.
La hausse de l'euro par rapport aux autres grandes monnaies mondiales a notamment pour effet de renchérir comparativement les prix des produits exportés par les pays qui utilisent la monnaie unique.
L'Europe est notamment préoccupée par le bas niveau du yuan chinois.
Elle a demandé cette semaine au Premier ministre chinois Wen Jiabao, en visite à Bruxelles, une appréciation "significative" de sa monnaie. Le yuan "est sous-évalué", a réaffirmé jeudi le commissaire européen au Commerce Karel De Gucht.
Et à présent on se tourne aussi vers les Etats-Unis.
Pour l'Europe, les déséquilibres monétaires actuels sont "une question cruciale dans un contexte de reprise (économique) fragile et d'incertitudes. Nous allons continuer à le dire aux Chinois mais aussi aux Américains et à M. (Timothy) Geithner", le secrétaire au Trésor américain, a indiqué M. Altafaj.
Les Etats-Unis sont soupçonnés de se satisfaire pleinement de voir le billet vert fondre car cela stimule les exportations au moment où la croissance du pays patine.
Ces questions domineront une réunion des grands argentiers et gouverneurs des banques centrales des pays du G7 vendredi soir à Washington, puis l'assemblée annuelle du Fonds monétaire international au même endroit pendant le week-end.
L'inquiétude grandit au niveau mondial face à l'atmopshère de "guerre des changes" entre grandes puissances pour affaiblir leurs devises respectives afin d'exporter davantage.
Le directeur général du FMI Dominique Strauss-Kahn a indiqué prendre "très au sérieux la menace d'une guerre des monnaies, même larvée", dans un entretien publié jeudi par le quotidien français Le Monde.
Il a promis que le FMI ferait des "propositions" pour "l'éviter".
Selon le patron de l'institution, la reprise de l'économie mondiale peut faire ressurgir "la tentation de solutions nationales", "notamment en matière de monnaies".
Si la Chine est réticente à laisser le yuan se réévaluer et que les Etats-Unis ne font rien pour faire remonter le dollar, le Japon est aussi intervenu pour affaiblir le yen et le Brésil a pris des mesures pour limiter l'entrée de capitaux dans le pays et la hausse du real.