La Slovène Alenka Bratusek, recalée par le Parlement européen, a finalement renoncé jeudi à faire partie de la Commission Juncker, dont l'entrée en fonction pourrait être retardée d'un mois pour procéder aux ajustements nécessaires.
"J'ai beaucoup de respect pour la décision d'Alenka Bratusek de renoncer à être vice-présidente de la Commission, qui vient juste de m'être communiquée", a annoncé son président-élu, Jean-Claude Juncker, dans un communiqué.
Désignée comme vice-présidente chargée de l'Energie, Mme Bratusek a été retoquée par une large majorité des eurodéputés. L'ancienne Première ministre avait fait une prestation décevante lors de son audition, mais ce n'était pas la seule. Cette libérale a surtout payé l'absence de soutien des deux grandes formations du Parlement, la droite du PPE et les socialistes.
"Par sa décision, elle m'aide à finaliser la composition de la Commission européenne, avec le Parlement européen" et les Etats membres, a souligné M. Juncker. Il est en "contact permanent avec les leaders du Parlement européen et les parties impliquées", au premier rang desquels le gouvernement slovène, a précisé son porte-parole, Margaritis Schinas.
Confirmant l'alliance qui leur a permis de sauver tous leurs candidats à la Commission, y compris les plus controversés, le PPE défend désormais avec les socialistes la candidature de l'eurodéputée socialiste Tanja Fajon.
Un moyen de rééquilibrer la future équipe Juncker, qui ne comptait que huit socialistes, au détriment des libéraux dont certains au sein des deux groupes estiment pouvoir se passer.
Le Premier ministre slovène, le centriste Miro Cerar, n'a pas encore annoncé son choix. Et les libéraux, qui viennent de subir une défaite, sont furieux. Ils ont dénoncé le "harcèlement totalement inacceptable du gouvernement slovène".
Une réunion entre les présidents des commissions et des groupes politiques du Parlement, initialement prévue jeudi, a été repoussée au début de la semaine prochaine.
"Il y a un risque" que la Commission ne puisse pas entrer en fonction le 1er novembre comme prévu, a estimé M. Schinas. Il va falloir en effet organiser une nouvelle audition, que la candidate devra avoir un peu de temps pour préparer.
L'audition pourrait néanmoins avoir lieu à Strasbourg juste avant le vote d'investiture de la Commission, prévu le 22 octobre, estimait jeudi une source européenne.
- Rentrée retardée -
Mais rien n'est sûr. Pour une autre source européenne, la rentrée de la Commission Juncker pourrait bel et bien être décalée au "1er décembre, voire en janvier". M. Juncker a fait savoir qu'il avait annulé son vol pour Brisbane, où il devait assister au sommet du G20 à la mi-novembre.
Tout retard dans la mise en place de la Commission aurait des conséquences sur la mise en œuvre des priorités de la nouvelle équipe, au premier rang desquelles l'action pour la croissance et le plan d'investissement de 300 milliards d'euros promis par M. Juncker.
Pendant une dizaine de jours, les commissions du Parlement ont auditionné les 27 membres du futur exécutif européen. Tous ont reçu le feu vert, à l'exception de Mme Bratusek et du conservateur hongrois Tibor Navracsis, nommé à l’Éducation, la Culture et la Citoyenneté, auquel les eurodéputés veulent que soit retirée la Citoyenneté.
Le Parlement n'a pas le pouvoir de rejeter un candidat individuellement, mais un vote négatif à l'encontre d'un ou plusieurs commissaire est susceptible d'entraîner la chute de l'ensemble de l'équipe lors du vote d'investiture.
Le Parlement a fait tomber des têtes par le passé: l'Italien Rocco Buttiglione en 2004, après des déclarations homophobes et sexistes, puis la candidate bulgare en 2009. Mais dans sa quête de pouvoir, il a obtenu bien plus cette année, avec la nomination d'un président de la Commission issu des élections.
Au prix de petits arrangements, l'accord de coalition liant le PPE et les socialistes pour verrouiller une majorité a tenu. Cela a permis au conservateur espagnol, Miguel Arias Canete (Climat et Energie), d'obtenir le feu vert, malgré une vive controverse sur ses liens avec l'industrie pétrolière. En échange, le socialiste français Pierre Moscovici a été confirmé aux Affaires économiques, en dépit des accusations de la droite sur son incapacité à réduire les déficits en France.