par Jonathan Cable
LONDRES (Reuters) - Les entreprises de la zone euro achèvent le premier trimestre 2018 sur une croissance bien plus faible que prévue et la moins marquée depuis plus d'un an, en raison notamment de nouvelles commandes pénalisées par les effets d'un euro fort.
Le dynamisme économique de la zone euro avait déjà marqué le pas en février et une enquête Reuters publiée dans le courant du mois avait montré qu'elle avait atteint un plateau, perspective peu encourageante pour une Banque centrale européenne (BCE) qui envisage de normaliser sa politique monétaire ultra-accommodante.
Le risque est aussi que le ralentissement ne se cantonne pas à la France et à l'Allemagne, dont les taux de croissance ont fléchi ce mois-ci, selon les indices des directeurs d'achats d'IHS Markit en version flash, ce qui s'est accompagné en outre, pour l'Allemagne, d'une altération de la confiance des entreprises.
La croissance mondiale est soutenue depuis le début de l'année mais les risques de conflits commerciaux, après que les Etats-Unis eurent imposé de lourds droits de douane sur les importations d'acier et d'aluminium, font qu'un coup de frein reste une éventualité.
Cela n'a pas empêché la Réserve fédérale de relever les taux d'intérêt une fois de plus mercredi et d'anticiper deux autres hausses des taux cette année, alors que la BCE n'enclencherait pas son propre cycle de durcissement monétaire avant l'an prochain.
Dans son bulletin mensuel publié jeudi, la BCE écrit que la zone euro continue de bénéficier d'une croissance vigoureuse qui pourrait même dépasser les attentes sur le moyen terme, ce qui a eu pour effet de propulser à nouveau l'euro contre le dollar.
"La politique de resserrement de la Fed devrait alléger les pressions haussières sur l'euro cette année, tandis qu'un coup de pouce budgétaire modeste et un apaisement des craintes de voir renaître le protectionnisme seraient d'un bon effet pour l'économie allemande en particulier dans les trimestres à venir", observe Jennifer McKeown (Capital Economics).
De son côté, la Banque d'Angleterre a, comme prévu, laissé son principal taux directeur inchangé jeudi, à 0,5%, mais sa décision n'a pas été unanime contrairement aux attentes des investisseurs, qui devraient désormais anticiper de manière plus convaincue un tour de vis monétaire en mai.
RÉPERCUSSIONS IMMÉDIATES LIMITÉES
Ce coup de frein à la croissance en zone d'euro n'est toutefois pas l'équivalent d'un coup d'arrêt.
L'indice PMI composite flash, considéré comme un bon étalon de la situation économique en ce qu'il regroupe les données des secteurs secondaire et tertiaire, est resté largement au-dessus de la barre des 50 qui délimite croissance et contraction de l'activité économique.
IHS Markit a fait valoir que l'indicateur laissait anticiper une croissance appréciable de 0,7% au premier trimestre, un peu plus que le taux de 0,6% donné par une enquête Reuters.
Néanmoins, l'indicateur lui-même est tombé à 55,3 en mars, bien en deçà de l'ensemble des prévisions d'une enquête Reuters qui anticipait un recul bien moins prononcé, à 56,7 contre 57,1 en février.
"Même si le recul de l'indice PMI composite semble spectaculaire, les répercussions immédiates sur l'économie restent limitées; les indicateurs du jour indiquent un ralentissement de l'élan mais ils correspondent encore à des taux de croissance sains", observe Bert Colijn, d'ING (AS:INGA).
Mais, poursuit-il, l'euro fort reste préoccupant.
"Les commandes à l'exportation ont sensiblement rétrogradé elles aussi, premier signe d'une altération du potentiel de croissance de la zone euro par un euro fort et par les incertitudes politiques internationales", dit-il.
L'euro est en hausse de plus de 2% contre le dollar depuis le début de l'année et il semble que ce ne soit pas le maximum auquel il puisse prétendre, une mauvaise nouvelle pour les biens et services de la zone euro.
Le sous-indice des commandes nouvelles, qui englobe les échanges internes à la zone euro, a fléchi à 55,0 contre 56,3, au plus bas depuis le début 2017.
La vigueur de l'euro a aussi prélevé son tribut sur le secteur des services, l'indice PMI afférent étant tombé à un plus bas de cinq mois de 55,0 contre 56,2, inférieur là encore à toutes les prévisions d'une enquête Reuters qui dégageait un consensus à 56,0.
Autre source probable de préoccupation pour la BCE, qui ne parvient toujours pas à rapprocher l'inflation de son objectif qui est d'un petit peu moins de 2%, le sous-indice des prix de production a fléchi à 52,4 contre 52,9. Les prix de détail ont augmenté moins que prévu en février, de 1,1% annuellement.
Le mois de mars a également été en demi-teinte pour les industriels, avec un indice PMI en baisse de deux points à 56,6, égalant la prévision la plus basse d'une enquête Reuters, qui donnait un consensus de 58,1.
(Wilfrid Exbrayat pour le service français; édité par Marc Joanny)