GDF Suez a haussé le ton jeudi face aux gouvernements français et belge en critiquant ouvertement le gel des tarifs du gaz en France, qui amputera ses résultats de 400 millions d'euros cette année, et en agitant de nouveau la menace de fermeture de trois réacteurs nucléaires en Belgique.
"En France, la décision du gouvernement de geler les tarifs du gaz pour les particuliers clairement ne respecte pas la loi", a lancé le PDG du groupe Gérard Mestrallet, lors d'une conférence téléphonique de présentation des résultats du groupe au troisième trimestre.
GDF Suez a maintenu jeudi son objectif financier de bénéfice brut d'exploitation (Ebitda) pour l'année, mais celui-ci exclut l'impact négatif du climat doux depuis le début de l'année (480 millions d'euros) et du gel des tarifs du gaz pour ses 10 millions d'abonnés en France (108 millions d'euros, plus 290 millions prévus au 4e trimestre).
"En soustrayant ces deux effets, le niveau d'Ebitda pour 2011 serait pour cette raison compris entre 16,1 et 16,6 milliards d'euros, c'est arithmétique", soit 900 millions de moins que la prévision hors ces impacts.
De janvier à septembre, le bénéfice brut d'exploitation de GDF Suez ressort en hausse de 10% à 12,1 milliards d'euros et le chiffre d'affaires de 9% à 65,4 milliards d'euros, des résultats proches des attentes tirés essentiellement par l'intégration du britannique International Power.
La dette nette a elle augmenté d'un milliard sur le trimestre, à 41,7 milliards.
A la Bourse, dans un marché parisien euphorique (+5,17%), GDF Suez bondissait de 6,2% en fin de séance.
Après sa pique contre l'Etat français, Gérard Mestrallet a embrayé sur le cas belge, où le Premier ministre pressenti Elio Di Rupo a déclaré qu'il faudrait sans doute augmenter la "taxe nucléaire" prélevée sur les producteurs en Belgique, dont GDF Suez en est le principal via Electrabel.
Si le nouveau gouvernement belge revenait sur un accord passé entre GDF Suez et Herman Van Rompuy en 2009, le groupe "réévaluerait sa stratégie d'investissements en Belgique et en particulier sa disposition à étendre la durée de vie des trois plus vieux réacteurs", a dit M. Mestrallet.
"Nous ne déciderons évidemment d'investissements que si nous obtenons une rémunération juste en retour", a-t-il ajouté.
La réponse belge a été nette: "Les choses sont claires. Ce n'est pas GDF Suez qui dicte la prolongation du nucléaire mais l'Etat belge. GDF Suez fera ce qu'on lui demandera de faire", a réagi le ministre belge de l'Energie, Paul Magnette.
La dernière déclaration du PDG de GDF Suez "n'aura aucun effet sur le gouvernement" belge, a assuré le ministre socialiste, cité par le journal belge L'Echo.
GDF Suez est le premier producteur d'électricité nucléaire en Belgique, avec sept réacteurs dont trois plus anciens dont il a obtenu l'autorisation de prolonger l'exploitation de dix ans supplémentaires.
Pour boucler son budget, l'Etat belge a imposé depuis 2008 au secteur de l'électricité une taxe annuelle de 250 millions d'euros. Les autorités estiment que les investissements dans les centrales sont depuis longtemps amortis et que les producteurs jouissent d'une véritable "rente nucléaire" pouvant être mise à contribution.
A la suite d'informations de presse belge évoquant une multiplication par quatre de la taxe pour combler le déficit budgétaire, Electrabel avait déjà menacé de fermer trois réacteurs dès 2015.
GDF Suez a aussi déposé un recours devant la justice belge pour tenter de récupérer quelque 600 millions d'euros déjà versés depuis 2008 au titre de la taxe nucléaire, qu'il paie à 90%.
Les critiques de Gérard Mestrallet se font de plus en plus directes. Ce changement d'attitude s'était déjà fait sentir lorsque le groupe a décidé fin septembre d'attaquer le gel des prix décidé par l'Etat français, son principal actionnaire, en Conseil d'Etat.
GDF Suez n'a pas donné d'indication sur l'impact éventuel d'un gel en 2012, alors que le gouvernement français s'est engagé à ne pas augmenter les prix d'ici les élections.