Après des semaines de négociations chaotiques avec les pilotes, la direction d'Air France (PA:AIRF) a mis fin aux discussions et transmis mercredi aux syndicats un projet d'accord sur le plan stratégique de la compagnie, sans garantie de réussite.
Les deux parties négocient depuis début décembre l'application du plan d'Air France-KLM, "Trust Together" ("la confiance ensemble"), qui comprend notamment la création d'une compagnie à coûts réduits, filiale d'Air France.
S'il n'obtient pas la signature du syndicat majoritaire de pilotes SNPL, ce projet de filiale ne verra pas le jour.
Les discussions tournent également autour de la délicate question du partage d'activité entre Air France et sa consœur néerlandaise KLM, les syndicats français revendiquant un rééquilibrage en faveur de la compagnie tricolore.
Il y a eu "beaucoup d'avancées de part et d'autre" mais "l'accord était loin d'être achevé" quand les négociations ont été "interrompues" par la direction dans la nuit de jeudi à vendredi, a dit à l'AFP Emmanuel Mistrali, porte-parole du SNPL Air France.
"On ne s'est pas quittés d'accord (la semaine dernière), mais on a un accord" désormais sur la table, a simplement commenté Grégoire Aplincourt, président du second syndicat représentatif (Spaf).
Le texte transmis mercredi est ouvert à la signature des syndicats jusqu'au 31 mai, selon eux.
Sollicitée, la direction du groupe Air France n'a pas voulu s'exprimer.
Celle-ci souhaitait conclure vite un accord pour tenir son calendrier : commercialisation des premiers vols de la future compagnie "Boost" (nom provisoire) en juin, lancement à l'automne sur moyen-courrier et courant 2018 sur long-courrier.
"Nous étions conscients qu'il fallait avancer rapidement", mais des doutes persistaient sur la "structure juridique" de Boost, selon M. Mistrali qui évoque un "projet rédigé un peu à la hussarde".
- Les salaires, 'un tabou' -
Le SNPL a alerté depuis plusieurs semaines la direction sur un risque de "délit de marchandage" auquel elle s'exposerait, selon lui, en maintenant le montage choisi.
La filiale à 100% d'Air France a pour objectif de contrer la concurrence des compagnies low-cost et du Golfe en reprenant, grâce à des coûts d'exploitation inférieurs, certaines lignes moyen et long-courrier d'Air France actuellement non rentables.
Pour cela, elle ferait appel à des pilotes d'Air France volontaires, mais recruterait des personnels navigants commerciaux (PNC) "au prix du marché", soit nettement moins cher qu'à Air France. Le SNPL y voit une façon pour l'entreprise de contourner l'accord collectif des hôtesses et stewards d'Air France, pointant du doigt un risque élevé de contentieux.
Or, en vertu d'accords passés, la signature de la puissante organisation de pilotes (65% des voix) est nécessaire pour que le projet se concrétise.
Conscients que le rapport de force était en leur faveur, les syndicats ont au cours de la négociation tenté d'obtenir des concessions en matière de rémunération, sans y parvenir.
Le texte provisoire de la direction ne comprenait "aucun chapitre sur la revalorisation des grilles" salariales, a regretté M. Aplincourt. Le sujet n'a "pas été abordé" lors des négociations, "c'est carrément tabou", a poursuivi M. Mistrali.
Un mécanisme d'intéressement a bien été discuté mais il était, du moins dans sa dernière version, "sous-dimensionné" selon les syndicats.
En raison d'un "plafonnement" égal à "4% de la masse salariale", il aurait conduit au versement de "0,6 mois de salaire au maximum", là où les pilotes de KLM peuvent recevoir jusqu'à "plus de deux mois et demi", d'après le SNPL.
Le groupe Air France-KLM a enregistré en 2016 des résultats financiers en forte hausse, avec un bénéfice net de 792 millions d'euros, réalisés principalement grâce à sa partie néerlandaise. Le résultat d'exploitation de KLM a atteint 681 millions d'euros, contre 372 millions pour Air France.