Le chef du parti de gauche radicale espanol Podemos, Pablo Iglesias, a tenté vendredi à Madrid d'éteindre l'incendie au sein de son mouvement, où des militants craignent une rupture au sommet après sa décision de congédier son numéro trois.
M. Iglesias a rencontré les dirigeants territoriaux du mouvement, trois jour après avoir annoncé qu'il congédiait l'homme qui assurait leur coordination, Sergio Pascual.
Il leur a dit qu'il souhaitait le remplacer par Pablo Echenique, un chercheur en physique théorique de 37 ans, dirigeant la formation en Aragon (nord-est), qui n'avait jamais caché ses divergences avec le secrétaire général et incarne un modèle "décentralisé".
Sa proposition a été annoncée "à tous les membres du conseil citoyen (l'organe de direction) étatique, de la manière la plus simultanée possible", a dit Pablo Iglesias, laissant entendre qu'il n'avait pas consulté le numéro deux de Podemos, Iñigo Errejon.
Une partie de la presse espagnole annonçait ces derniers jours l'ouverture d'hostilités entre Pablo Iglesias et Iñigo Errejon, qui a été directeur de toutes ses campagnes. "Errejon prépare la contre-attaque pour le contrôle de Podemos", titrait vendredi matin le quotidien El Pais, traditionnelement proche du parti socialiste.
Depuis l'annonce de la destitution de Sergio Pascual, un de ses proches, Iñigo Errejon est resté silencieux, alimentant les craintes de déchirements au sein de Podemos.
La situation est délicate alors que Podemos, aujourd'hui troisième force politique du pays, dit vouloir négocier avec les socialistes pour former un gouvernement de coalition, dont Pablo Iglesias exige notamment la vice-présidence.
Cette crise intervient alors qu'au sein du Parti socialiste la division règne aussi sur un rapprochement avec Podemos.
Une telle coalition remplacerait la droite au pouvoir depuis 2011, arrivée première aux législatives du 20 décembre mais avec seulement 28,7% des suffrages, après quatre ans de politiques d'austérité impopulaires.
D'aucuns veulent voir dans les différends au sein de Podemos une lutte entre les partisans d'une ligne modérée incarnée par Iñigo Errejon, qui souhaiterait l'avènement rapide d'un gouvernement de gauche pour remplacer l'exécutif de droite de Mariano Rajoy, et ceux d'une ligne plus radicale, opposée à ce que Podemos déroule un tapis rouge aux socialistes.
- Silence du numéro deux -
Iglesias et Errejon, chercheurs en sciences politiques respectivement âgés de 37 et 32 ans, étaient jusqu'à présent réputés proches.
Un militant, Tristan Duanel, interrogé par l'AFP, redoutait vendredi "une dispute entre les deux" qui "pourrait détruire le parti".
Carolina Bescansa, dirigeante de Podemos proche des deux hommes a cependant nié vendredi toute divergence stratégique. "Nous sommes tous d'accord que le chemin à suivre est celui d'un gouvernement de coalition" avec les socialistes et les alliés territoriaux de Podemos, a-t-elle dit à l'AFP.
Selon elle Podemos vit bien "une crise de croissance, qui n'est pas la première", mais en lien avec son modèle d'organisation.
Avant de démettre Pascual de ses fonctions, Iglesias avait notamment affronté la fronde de membres de la direction de Podemos en Galice (nord-ouest) puis dans la région de Madrid, qui avaient démissionné.
En 2015, il ferraillait justement avec Pablo Echenique, qui souhaitait un parti beaucoup plus décentralisé.
"C'est difficile de passer d'un groupe de quarante personnes (qui se réunissait) dans un théâtre madrilène à ce quatrième étage" du Congrès des députés, plaide Carolina Bescansa, en référence à l'ascension fulgurante de son parti, fondé début 2014 à la fois par des représentants de plateformes citoyennes "indignées", d'organisations de la société civile et d'anciens communistes ou écologistes.
Cette vision est confirmée à l'AFP par le politologue de l'université Carlos III de Madrid Pablo Simon pour qui Podemos s'interroge encore sur son modèle : "un parti de cadres ou de mouvements, un parti centralisé ou décentralisé".
Pablo Iglesias a semblé répondre vendredi soir en assurant que le parti devrait donner "un plus grand rôle aux territoires" et en promettant "une plus grande démocratisation".