Direction contestée et guerre intestine, sur fond de divergences politiques et de contentieux persistants: le congrès de la fédération CGT des transports, qui s'ouvre lundi et se tiendra jusqu'à vendredi à Saint-Malo (Ille-et-Vilaine), s'annonce houleux.
Face au secrétaire général sortant, Jérôme Vérité, qui briguera vendredi un deuxième mandat de trois ans, le syndicat CGT d'Air France présente sa propre candidature, portée par son numéro 2, Mehdi Kemoune.
Le candidat d'opposition dénonce un bilan qui ressemble à une "traversée du désert" et le "fonctionnement de la fédération, paralysé par l'absence de travail et surtout par une totale absence de vision politique".
"Nous voulons que cela change et rapidement" et mettre fin au "non-respect des statuts et des règles de vies syndicales", ont fait savoir début avril les délégués d'Air France, dans une déclaration faite devant l'instance fédérale dirigeante, dont l'AFP a obtenu copie.
Le syndicat d'Air France a essuyé un revers aux élections professionnelles de mars, en perdant sa première place au sein de la compagnie. Un recul qui intervient après une série de déconvenues pour la CGT au sein de grandes entreprises.
Le conflit qui oppose le syndicat à la fédération n'est pas nouveau. Il prend racine en 2009 lors d'un débat interne houleux sur la représentativité des pilotes, qui réclament un collège spécifique, en accord avec la direction.
La CGT d'Air France est majoritairement contre. Mais elle suspecte le secrétaire général de la CGT Transports, Paul Fourier, d'avoir "donné son accord" en catimini à la compagnie, explique un cégétiste, s'appuyant sur le témoignage d'une fédération patronale.
Or, un an après, le syndicat découvre que M. Fourier a bénéficié d'un avancement de carrière plus rapide que prévu à Air France, qui le salarie et dont il est détaché, et ouvre une enquête interne.
Dans son rapport, la commission d'enquête conclut que les valeurs de "transparence, démocratie et intégrité" ont été bafouées par le numéro 1 fédéral, ce qui conduit le syndicat d'Air France à l'exclure.
- "Procès stalinien" -
Contacté, Paul Fourier évoque un "procès stalinien" où "tout un tas d'accusations" ont été lancées contre lui. Son avancement accéléré était destiné, explique-t-il, à combler le manque à gagner quand il est devenu permanent à la fédération.
"La direction d'Air France a retenu une solution, qui était une mauvaise solution, je le reconnais. Plutôt que de m'octroyer une prime différentielle, pour couvrir la différence, ils ont accéléré mon avancement de manière artificielle", argumente M. Fourier, actuellement en poste à la confédération.
Il nie toute complicité présumée avec Air France sur la représentativité des pilotes: "C'est complètement faux" mais "une fois que la rumeur est partie, c'est extrêmement compliqué de l'arrêter, de se justifier en permanence, de dire que vous n'êtes pas un voleur et une crapule".
L'histoire aurait pu se terminer là. Mais, en juillet 2013, elle rebondit après le licenciement, par la CGT Transports, d'un de ses membres permanents, détaché par Air France et opposant notoire à Paul Fourier.
Mis à la porte pour "absence de travail", un motif qu'il conteste, le dénommé Olivier Sekai attaque alors la fédération aux prud'hommes, jugeant son licenciement "illégal" et "politique".
"La CGT Transports s'est comportée comme un patron voyou. Ils m'ont licencié parce que j'ai dénoncé oralement et par écrit +l'entrisme patronal+ au sein de l'organisation", affirme-t-il à l'AFP, évoquant un "réflexe d'omerta".
Dans cette affaire, sur laquelle la justice prud'homale se penchera le 26 novembre, la CGT Air France est partie intervenante... contre la CGT Transports, à laquelle elle est affiliée.
Il s'agit d'un "dossier connexe qui a empoisonné les relations entre le syndicat et la fédération", reconnaît Jérôme Vérité, ancien adjoint, puis successeur de Paul Fourier. Mais le sujet est "un peu annexe maintenant", ajoute-t-il, sans s'étendre sur le fond de l'affaire.
Ces turbulences internes auront-elles des répercussions à Saint-Malo? L'élection des membres de la commission exécutive, jeudi, fournira des premiers éléments de réponse. Ce sont eux qui choisiront vendredi, en leur sein, le nom du futur secrétaire général.