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Le bassin minier de la Tunisie ravagé par les conflits sociaux

Publié le 03/06/2015 13:41
Mis à jour le 03/06/2015 13:45
Un site d'extraction de phosphate à Metlaoui, dans la région de Gafsa, en Tunisie, le 2 juin 2015 (Photo AYMEN ZAWALI. AFP)

Un site d'extraction de phosphate à Metlaoui, dans la région de Gafsa, en Tunisie, le 2 juin 2015 (Photo AYMEN ZAWALI. AFP)

Depuis des mois, Zohra Tlijani et d'autres habitants campent sur une route d'accès à un site de production de phosphates, bien décidés à arracher des emplois dans une région de Tunisie minée par le chômage et les mouvements sociaux à répétition.

"Nous ne partirons qu'une fois nos revendications satisfaites, même si le sit-in doit durer deux ans", soutient mordicus cette Tunisienne de 38 ans. Car "nous devons bénéficier des richesses de notre pays".

Zohra Tlijani assure être installée depuis plus de quatre mois sur ce bout de route à Mdhilla, dans le centre du pays, où la Compagnie des phosphates de Gafsa (CPG) dispose d'une de ses principales unités de production.

Après quasiment deux mois de paralysie totale de tous les sites miniers de la région de Gafsa, la production a pu partiellement reprendre dimanche après un accord avec le gouvernement sur l'embauche de 1.500 personnes. Mais pas à Mdhilla, où le blocage continue, les concessions des autorités étant jugées insuffisantes.

Cette situation n'a plus rien d'exceptionnel dans ce gouvernorat ravagé par la misère et le chômage qui touche environ un quart des actifs.

Depuis une insurrection réprimée dans le sang en 2008 et plus encore depuis la révolution de 2011, les manifestations, blocages et grèves se succèdent. Des mouvements sociaux souvent spontanés, sur lesquels les syndicats semblent ne pas avoir de contrôle.

La cause est toujours la même: un grand nombre d'habitants réclament d'être embauchés par l'entreprise publique.

Et le scénario ne change pas: le gouvernement résiste puis cède en annonçant des embauches, la production reprend lentement, puis un nouveau mouvement paralyse le secteur jusqu'à la promesse de nouveaux recrutements.

- "Horizon bouché" -

Les résultats de la CPG sont sans surprise catastrophiques: elle n'a produit que 650.000 tonnes de phosphate entre janvier et mai sur les deux millions prévues.

Une calamité pour la Tunisie car ce secteur représentait avant la révolution huit millions de tonnes produites chaque année, 10% des exportations et près de 30.000 emplois directs et indirects.

Pour Ali Houchati, le directeur de la communication de la CPG, "la compagnie a fait ce qu'elle pouvait" en embauchant quelque 3.000 personnes alors que ses unités tournent au ralenti et ses comptes sont dans le rouge.

"Ce qu'il faut, ce sont des investissements alternatifs dans d'autres secteurs", souligne-t-il.

Un tel discours reste inaudible chez bien des protestataires. "L'horizon est bouché. Nous ne demandons que des emplois", justifie Hachem Mabrouk, 33 ans, un diplômé chômeur qui participe aux blocages.

"A chaque fois que nous essayons de faire entendre nos voix, on nous menace de prison", affirme Zohra.

Ibrahim Shimi, militant syndicaliste de Métlaoui, le coeur du bassin minier, reconnaît la "légitimité" des revendications sociales mais appelle à "prendre en considération l'intérêt de la compagnie et de l'Etat".

"La situation s'aggrave de jour en jour. La CPG semble sur le point de s'effondrer devant le terrible silence des autorités", avertit-il.

Le ministre tunisien chargé des Relations avec la société civile, Kamel Jendoubi, à qui les négociations avec les protestataires ont été confiées, appelle à la raison. Pour lui, le modèle économique régional basé exclusivement sur le phosphate "ne marche pas" et il faudra du temps et de la "patience" pour le changer.

"Ce modèle fonctionnait par le passé parce qu’il y avait autour un système répressif qui pensait tenir les gens par l’ordre policier", explique-t-il à l'AFP. Il s'agit désormais de "penser sur le long terme, ensemble avec la population, les différents organismes et bien sûr l’Etat à un nouveau modèle de développement".

"A court terme, nous gérons l’urgence" pour tenter d'instaurer "un dialogue visant à débloquer les incompréhensions", assure le ministre, tout en admettant que "ces gens n’ont plus confiance dans la parole de l’Etat".

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