Après deux ans de marasme économique et de guerre, les investisseurs recommencent à s'intéresser à l'Ukraine. Mais pour les hommes d'affaires et soutiens de Kiev présents à Davos, le gouvernement doit maintenant combattre la corruption qui reste un obstacle clé à leur retour.
Cette ancienne république soviétique est engagée depuis deux ans dans un meurtrier conflit armé avec les séparatistes prorusses dans l'Est et dans une profonde crise économique (dévaluation de la monnaie, effondrement du PIB). Mais pour beaucoup, le pire semble derrière et ceux qui sont prêts à prendre certains risques regardent de près les possibilités d'investissements dans ce pays de 45 millions d'habitants situé aux portes de l'Union européenne.
"Cette année, je vais commencer à investir", a déclaré à des journalistes Oleksandre Iaroslavski, ancien propriétaire de la banque Ukrsib acquise par la BNP Paribas (PA:BNPP) et du club de football Metallist, lors du "Petit déjeuner ukrainien", petite conférence consacrée à ce pays en marge du Forum économique mondial à Davos.
S'il refuse catégoriquement de préciser quels secteurs l'intéressent, un autre Ukrainien, faisant partie des cinq premières fortunes du pays confirme cette tendance à l'AFP sous couvert d'anonymat. Selon une source ukrainienne bien placée, le milliardaire américain George Soros, qui avait annoncé au printemps 2015 vouloir investir un milliard de dollars dans l'économie ukrainienne, serait en train d'examiner de nouvelles opportunités dans ce pays.
"Les investisseurs occidentaux regardent l'Ukraine de près", confirme à l'AFP Andy Hunder, président de la Chambre de commerce américaine à Kiev. "Ils pensent que (le pays) a touché le fond et peut rebondir (...) C'est le bon moment pour les investisseurs prêts à prendre des risques", ajoute-t-il.
Le mois prochain, le service de VTC Uber débarque ainsi sur le marché ukrainien, donne-t-il en exemple.
- "Patience" -
Alors que le potentiel de l'Ukraine, qui possède une main d'oeuvre qualifiée et des ressources considérables, dont ses légendaires terres noires extrêmement fertiles, ne fait plus débat, mais la corruption reste un frein considérable à son développement. Le pays a été classé 142e sur 175 dans le classement 2014 en terme de perception de la corruption par l'organisation Transparency International.
"Ce gouvernement a fait plus de réformes que tout autre en Ukraine. Mais malgré cela (...) nous avons un vrai problème, qui n'a pas encore été résolu: la corruption", a fait valoir l'ancien président de la Commission européenne José Manuel Barroso. "Si vous ne réglez pas ce problème, vous ne serez pas reconnus par la communauté internationale", a-t-il prévenu.
Deux ans après la chute d'un président prorusse et l'arrivée au pouvoir des pro-occidentaux qui promettaient d'enrayer ce fléau, il continue de gangréner le pays.
Les ministres ukrainiens des Finances Natalie Jaresko et de l'Economie Aïvaras Abromavicus, présents à la conférence, ont défendu les acquis des nouvelles autorités qui ont, après nombre de tergiversations, fini par mettre en place en 2015 des structures anti-corruption exigées par l'Union européenne, coupé de très lucratifs privilèges dans le secteur énergétique et lancé une réforme des achats publics.
"En 2015, le fondement a été posé pour enrayer la corruption", confirme M. Hunder. "Maintenant il faut vraiment que cela commence à marcher" et que les coupables soient punis, poursuit-il. Aucun haut responsable de l'ancien ou du nouveau régime n'ont été condamnés pour de tels délits et la réforme du système judiciaire ukrainien, dont la corruption est notoire, tarde.
"Sans tribunaux indépendants et justes, on ne mettra jamais fin" à la corruption, a concédé Mme Jaresko, en appelant les investisseurs à la "patience".
"Si on se met vraiment à punir les corrompus d'ici à six mois, ce sera un signal très positif" pour les milieux d'affaires, souligne pour sa part M. Hunder. "Potentiellement, les investissements pourraient atteindre des milliards de dollars au cours des trois prochaines années", notamment grâce à la privatisation de sociétés publiques ukrainiennes, estime-t-il, en citant notamment l'usine chimique d'Odessa (OPZ), l'une des plus grosses du pays.