Les secours héliportés d'urgence privés n'ont plus que 3 mois pour se conformer à la réglementation européenne imposant la présence d'un second membre d'équipage: "utopique" pour les exploitants, "contraignant" pour les médecins qui préviennent que "80 kilos de plus, c'est 20 minutes de vol en moins".
La dérogation obtenue par la France prend fin au 31 décembre, les professionnels ne peuvent plus jouer la montre. A partir du 1er janvier, certaines missions du Samu devront être assurées par un équipage de deux personnes, pour des raisons de sécurité.
Ces missions - en conditions météo difficiles ou lorsqu'un patient est récupéré chez lui ou sur le lieu de l'accident - représentent le tiers des 20.000 à 25.000 interventions annuelles du Samu héliporté.
En France, contrairement à d'autres pays, les hélicos d'urgence du Samu ne tournent qu'avec un pilote. Et les compagnies d'hélicoptères auraient aimé que cela reste ainsi.
L'hexagone a, selon le Syndicat national des exploitants d'hélicoptères (SNEH), le niveau de sécurité "le meilleur d'Europe" alors que "des pays qui appliquent déjà cette disposition ont enregistré de nombreux accidents". Le dernier en France remonte à 1997.
Après avoir dans un premier temps envisagé de confier cette mission d'assistance au personnel médical, qui aide déjà souvent le pilote à contrôler la visibilité, les autorités ont tranché en faveur d'un membre d'équipage distinct.
Pilote ou navigant technique? Au grand dam des syndicats de pilotes, la deuxième solution est désormais prioritairement retenue.
"L'option du deuxième membre d'équipage non pilote est la seule compatible avec le calendrier de mise en conformité", explique à l'AFP la Direction générale de l'aviation civile (DGAC), en ajoutant néanmoins que "l'exploitation à deux pilotes (sera) aussi possible".
Le navigant recevra une formation contrôlée par l'aviation civile via l'agrément SMUH délivré aux exploitants d'hélicoptères. "Ce sera suivi de près" et les nouveaux personnels seront rattachés à la convention collective des pilotes d'hélicos "pour avoir les mêmes conditions de protection", rapporte Jean Bec, du principal syndicat des pilotes, le SNPNAC.
- 180 personnes à recruter -
Avec le patronat, "les discussions vont commencer très vite", dit-il. Elles devront aussi fixer pour le nouveau personnel la "grille salariale". "On s'inquiète pour le peu de temps qui reste pour faire les recrutements mais si tout le monde y met de la bonne volonté, on peut y arriver", juge le pilote.
Pour les compagnies, cela représente "entre 150 et 180 personnes à recruter et former", calcule Yannick Métairie du SNEH. "C'est complètement utopique, d'autant que le titre aéronautique nécessaire manque toujours dans la réglementation française", estime-t-il en demandant un "délai" de trois mois supplémentaires.
Les professionnels traînent des pieds aussi en raison du surcoût. Selon le SNEH, celui-ci sera "a minima de 15%", et jusqu'à 35% "si investir dans des hélicoptères plus performants s'avère nécessaire".
Car embarquer une personne de plus a des conséquences directes sur la distance des missions, préviennent tous les professionnels.
"Une personne en plus, c'est 80 kg, soit 100 litres de carburant et 20 minutes de vol en moins", explique Nicolas Letellier, président de l'Association française des médecins utilisateurs d'hélicoptères sanitaires hospitaliers (AFHSH). Forcément, avec les mêmes hélicoptères, "cela va nous pénaliser et limiter la distance des missions et leur enchaînement, nous serons obligés d'en refuser certaines", redoute le médecin.
"Quand on voit la situation financière des hôpitaux, cette évolution qui rajoute un salaire et diminue la capacité de transport nous inquiète. On va se retrouver dans une situation difficile", ajoute M. Letellier.
Interrogé par l'AFP, le ministère des Affaires sociales assure que "bien évidemment, tous les patients continueront à être secourus". "Les modalités d'application de la nouvelle réglementation européenne sont actuellement en train d'être définies avec la Direction générale de l'aviation civile", précise un porte-parole.