Deux ans après la catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh et quatre mois après une première plainte classée sans suite, trois associations ont de nouveau déposé un dossier contre Auchan, mercredi, devant le tribunal de grande instance de Lille.
Ces collectifs, Sherpa, Peuples Solidaires et Collectif Ethique sur l'Etiquette, accusent le géant de la distribution de "pratiques commerciales trompeuses" à l'encontre de ses clients quant aux conditions de fabrication de ses produits à l'étranger.
"Il faut que les multinationales soient contraintes de respecter les droits de l'Homme quand elles se targuent de le faire", a souligné Marie-Laure Guislain, responsable contentieux de Sherpa, l'association qui a rédigé la plainte.
Ces mêmes organisations avaient déjà déposé une plainte en avril 2014, qui a donné lieu à une enquête préliminaire. Le dossier a été classé sans suite en janvier, ont regretté les associations.
Cette fois, elles ont décidé de se constituer partie civile afin de porter l'affaire devant un juge d'instruction si la plainte est jugée recevable.
"Nous ne comprenons pas les motivations et les méthodes de ces associations d'autant que ce dossier a déjà connu une réponse judiciaire", a réagi Auchan dans un communiqué.
Le distributeur a regretté l'absence de possibilité de répondre aux associations qui "n'ont pris aucun contact avec nous", évoquant une enquête "nourrie" et des auditions "approfondies".
Après réception du rapport d'enquête, les associations ont relevé plusieurs éléments. D'une part, seuls des responsables d'Auchan ont été interrogés, d'autres part l'enquête s'est limitée géographiquement à la France "alors que les faits dénoncés sont au Bangladesh". Enfin, des audits réalisés par Auchan et joints au rapport montrent, selon elles, que le distributeur "aurait dû être alerté dès 2011 et 2012".
"Or, Auchan a continué à passer commande auprès du fournisseur et ne lui a pas demandé de se mettre en conformité", a expliqué Mme Guislain.
Par ailleurs, des membres de Sherpa ont constaté en décembre 2014 chez des sous-traitants au Bangladeh que de nombreux problèmes persistaient, en termes d'heures supplémentaires, de violation de la liberté syndicale ou encore du travail des mineurs, a observé Karine Roux, de Peuples Solidaires.
Auchan, "de sa propre initiative, a renforcé ses dispositifs de contrôle sur le terrain dans les usines de ses fournisseurs", a précisé de son côté le distributeur, ajoutant qu'il ne possédait aucune usine en propre au Bangladesh.
Le groupe a également signé l'Accord sur la sécurité des bâtiments et participe aux travaux, est-il souligné.
L'effondrement du Rana Plaza, un immeuble abritant des ateliers de confection, situé à Dacca, au Bangladesh, avait provoqué la mort de 1.138 ouvriers textiles et blessé plus de 2.000 autres en 2013.
Cette catastrophe avait mis en lumière les conditions de sécurité déplorables dans les ateliers.
Après la tragédie, ONG et syndicats avaient dénoncé l'attitude de 29 chaînes de distribution, dont Auchan, soupçonnées d'avoir sous-traité leur production à un moment ou à un autre au Rana Plaza.
Le distributeur français, qui indique n'avoir jamais travaillé avec une entreprise présente au Rana Plaza, a versé 1,5 million de dollars à un fonds de solidarité ouvert à toutes les enseignes et créé une fondation dédiée à l'amélioration des conditions de vie des ouvriers dans ses pays d'import.