Les dirigeants européens vont s'efforcer jeudi à Bruxelles de serrer les rangs face à la crise migratoire, d'une ampleur sans précédent, et face au risque d'un "Brexit", la sortie du Royaume-Uni de l'UE, deux défis qui menacent comme jamais l'unité de l'Europe.
"Il s'agit d'agir avec célérité, ensemble" pour endiguer les flux de migrants, a réaffirmé jeudi matin devant les journalistes le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, à quelques heures du dernier sommet européen de 2015.
La veille, il avait exhorté les Etats membres à se ranger derrière sa proposition d'un corps européen de gardes-frontières. Un projet "audacieux", selon l'exécutif européen, qui prévoit même la possibilité d'intervenir dans un Etat récalcitrant, au grand dam de ceux qui, comme la Grèce, craignent d'abandonner leur souveraineté à des "technocrates".
"Il faut faire en sorte de protéger correctement nos frontières extérieures", a plaidé M. Juncker, afin de sauver la libre-circulation au sein de l'espace Schengen, pilier de l'intégration européenne.
Mais l'Union européenne ne peut agir seule. En amont du Conseil européen qui débutera sous haute sécurité à 15h00 GMT, s'est ouvert à huis clos un "mini-sommet" réunissant onze pays de l'UE et la Turquie, sous la houlette de la chancelière allemande Angela Merkel.
Ces pays dits "de bonne volonté" sont prêts à envisager de soulager la Turquie, en acceptant de "réinstaller" certains des réfugiés syriens et irakiens qu'elle accueille, si Ankara garantit l'étanchéité de sa frontière avec l'Union.
Cet effort viendrait s'ajouter à l'aide de 3 milliards d'euros que l'UE a déjà promise à Ankara, ainsi qu'à la promesse de "redynamiser" les négociations d'adhésion avec ce partenaire obligé.
Mercredi, Mme Merkel a mis en garde contre le retour des solutions "nationales" devant l'afflux des réfugiés et prôné leur répartition entre Etats membres de manière "contraignante". "Se barricader au 21e siècle n'est pas une option raisonnable", a prévenu la chancelière, alors que plusieurs pays d'Europe de l'Est, comme la Hongrie, la Slovaquie et la Pologne, contestent la "relocalisation" de réfugiés dans l'UE depuis l'Italie et la Grèce.
De fait, ce plan de répartition décidé il y a plusieurs mois progresse beaucoup trop lentement, avec seulement quelque 200 réfugiés "relocalisés" jusqu'ici sur les 160.000 censés l'être. Les Etats membres tardent en effet à notifier des places d'accueil disponibles et la mise en place des "hotspots" (centres d'enregistrement) en Italie et en Grèce est encore laborieuse.
- Crises existentielles -
Sur ces dossiers, comme sur les autres points qui seront abordés ("Brexit", contre-terrorisme, marché intérieur, Union économique et bancaire), aucune décision de substance n'est attendue au sommet qui s'achèvera vendredi.
C'est à propos du "Brexit", dont les dirigeants européens vont pour la première fois discuter ensemble autour d'un dîner de travail jeudi, que les débats risquent d'être les plus animés.
Sous pression des eurosceptiques, le Premier ministre britannique David Cameron, qui a promis d'organiser un référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'UE d'ici fin 2017, va s'efforcer de donner une impulsion décisive aux réformes qu'il exige de ses partenaires.
Il réclame des mesures pour ralentir l'immigration en provenance de l'UE, notamment des pays de l'Est, comme de pouvoir priver les citoyens européens de prestations sociales pendant leurs quatre premières années sur le sol britannique.
Nombreux sont les dirigeants européens qui s'offusquent d'une demande jugée discriminatoire.
"Nous voulons un accord équitable pour la Grande-Bretagne mais il doit l'être pour les 27 autres", a souligné jeudi M. Juncker qui s'est dit "ouvert d'esprit" sur la question. Mais Mme Merkel a d'ores et déjà averti que l'Allemagne ne céderait pas sur les "acquis fondamentaux de l'intégration européenne".
Face à cette opposition, M. Cameron serait prêt à lâcher du lest, selon la presse britannique. En tout état de cause, le "Brexit" reviendra sur la table lors d'un prochain sommet en février, date à laquelle le président du Conseil, Donald Tusk, mise sur un accord.
Dans une Europe traumatisée par les sanglants attentats de Paris, les 28 s'attacheront aussi à encourager la mise en oeuvre de mesures déjà décidées pour intensifier la lutte contre le terrorisme et tarir son financement.
A l'aube de 2016, ce sommet - le 12e de l'année! - clôture une "annus horribilis" pour un Vieux continent ébranlé par des secousses majeures - de la crise grecque au conflit ukrainien en passant par la montée apparemment inexorable des populismes.