Investing.com - Les marchés européens sont mitigés ce vendredi -Ibex 35, CAC 40, DAX...- après le communiqué de la Banque centrale européenne (BCE) d'hier ( décision sur les taux d'intérêt ).
"Ce n'est pas le moment de remuer le couteau dans la plaie", déclare Ruben Segura-Cayuela, économiste en chef de Bank of America (NYSE :BAC) pour l'Europe, expliquant que "la BCE a évité d'envoyer des signaux pour l'avenir".
"Mme Lagarde a délivré un message équilibré sur les différents risques qui s'accumulent : la géopolitique, l'affaiblissement du marché de l'emploi et le mouvement de taux induit par les États-Unis. Néanmoins, nous pensons que la BCE (et Mme Lagarde) semblent plus préoccupées par la croissance que par l'inflation", déclare M. Segura-Cayuela.
"Il y a également eu une reconnaissance explicite du fait que la récente hausse des taux est due aux États-Unis et n'est pas justifiée par les fondamentaux de la zone euro. En d'autres termes, cette décision ajoute un resserrement exogène à ce que la BCE a fait au cours des dix réunions précédentes. Mme Lagarde a ajouté que ce dernier développement devait être pris en compte. Pour nous, cela signifie que le calendrier du début du cycle de resserrement sera avancé, le cas échéant, et non pas reculé", déclare l'économiste.
L'équilibre des risques se modifie lentement
"Nous avons souligné le risque résiduel d'une nouvelle hausse de la BCE en décembre, compte tenu de l'évolution des prix du pétrole. Après la réunion de la BCE de cette semaine, le risque est probablement plus faible. Les inquiétudes concernant l'impact des développements géopolitiques sur les prix de l'énergie étaient doubles (croissance et inflation). En outre, Mme Lagarde a souligné que les chocs sur les prix de l'énergie n'appellent pas tous la même réponse, les conditions initiales comptent (pour suggérer que la réponse au choc pétrolier ne doit pas nécessairement suivre ce que nous avons vu lors du dernier choc sur les prix de l'énergie)", explique M. Segura-Cayuela.
"Depuis un certain temps, nous prévoyons que la première baisse des taux de la BCE aura lieu au plus tôt en juin 2024, voire en septembre. L'évolution récente des données et de la transmission, ainsi que le resserrement exogène des taux réels, rendent une réduction en juin plus probable qu'en septembre", ajoute-t-il.
"Une réduction plus précoce nécessiterait une véritable récession, ce qui n'est pas impensable si les taux réels continuent d'augmenter (de manière exogène) et/ou si le mouvement est persistant. En fin de compte, la BCE souhaite vraiment avoir une visibilité sur les salaires d'ici 2024, ce qui sera plus évident après le printemps. Mais nous sommes surpris par le changement de consensus, la première baisse ayant été récemment déplacée de mars au 24 septembre. Les données récentes ne peuvent guère le justifier. Et cela ne semble certainement pas cohérent avec l'équilibre des risques perçu par la BCE", déclare Segura-Cayuela.
Ce que BofA pensait nécessaire mais qui ne s'est pas produit
"Nous nous attendions à un signal clair indiquant que les modifications éventuelles des réserves obligatoires devraient attendre la fin de la révision du cadre opérationnel au printemps prochain. Cela n'a pas été le cas. Oui, on nous a dit que les réserves obligatoires n'avaient pas été discutées. Mais ce qui nous inquiète, c'est que le bruit constant autour de la modification des réserves obligatoires pour minimiser les pertes des banques centrales pourrait déclencher un véritable resserrement du crédit. Il est plus facile d'éviter cela si la BCE fait une déclaration claire. Au-delà, nous restons soumis au risque habituel des grands titres sur le sujet", souligne l'économiste de BofA.
"Pour rappel, nous prévoyons la fin des réinvestissements complets du PEPP en juin 2024 et le passage des réserves obligatoires à 2-3 % une fois la révision du cadre opérationnel achevée au printemps", prévient-il.
Implications pour les taux
"Les premiers mots de la présidente Lagarde lors de sa conférence de presse ont fait référence à la faiblesse de l'activité économique, à la hausse du coût du financement bancaire et à la faible demande de crédit selon la dernière enquête de la banque centrale sur le crédit bancaire. Le marché a réagi en abaissant le taux neutre d'environ 5 points de base, ce qui implique désormais un taux final beaucoup plus proche de la limite inférieure de la récente fourchette de 2,80 %-3,00 %. Dans l'ensemble, le taux neutre suggéré par le marché reste élevé par rapport aux estimations de nos économistes et de la BCE", conclut M. Segura-Cayuela.