VARSOVIE (Reuters) - Le dirigeant du parti nationaliste au pouvoir en Pologne a déclaré jeudi que Varsovie estimait à 6.200 milliards de zlotys (1.315 milliards d'euros) le coût des dommages infligés au pays par l'Allemagne pendant la Seconde Guerre mondiale, et promis de demander officiellement des réparations.
Cette pomme de discorde empoisonne depuis longtemps les relations entre la Pologne et l'Allemagne, Berlin estimant pour sa part que la question a été réglée depuis longtemps.
Le parti Droit et justice (PiS) a régulièrement mis le sujet sur la table depuis son arrivée au pouvoir à Varsovie en 2015, notamment pour mobiliser sa base électorale, mais il n'a jamais franchi le pas d'une demande de réparations officielle.
En 2019, un élu du parti nationaliste avait évoqué une somme de 850 milliards d'euros, largement dépassée par l'estimation fournie jeudi par Jaroslaw Kaczynski, le dirigeant du PiS, qui a ajouté pendant une conférence de presse que ce chiffre, "calculé de la manière la plus conservatrice possible pourrait encore augmenter".
Quelque six millions de Polonais ont été tués entre 1939 et 1945, dont environ trois millions de juifs polonais, et Varsovie a été totalement rasée après le soulèvement du ghetto juif de la capitale en 1944, pendant lequel 200.000 civils ont trouvé la mort.
En 1953, les dirigeants communistes polonais avaient renoncé à toute demande de réparations sous la pression de l'Union soviétique, qui voulait ainsi en exonérer l'Allemagne de l'Est, elle aussi passée dans l'orbite de Moscou.
Les dirigeants du PiS contestent cet accord, estimant que le pays n'avait pas eu son mot à dire.
"La position du gouvernement allemand demeure inchangée: la question des réparations est close", a réagi un porte-parole du ministère allemand des Affaires étrangères.
"La Pologne a renoncé à toute demande de réparations il y a bien longtemps, en 1953, et a depuis confirmé cette décision", a-t-il ajouté.
Donald Tusk, chef du principal parti d'opposition polonais, Plateforme civique, a cependant estimé que la sortie de Jaroslaw Kaczynski n'avait rien à voir avec une quelconque demande de réparations, mais ne visait qu'à "ressouder les rangs derrière le parti au pouvoir", dont l'avance dans les sondages d'intention de vote s'est réduite ces derniers mois sur fond d'inflation galopante et de ralentissement économique.
(Reportage d'Alan Charlish, Marek Strzelecki, Anna Wlodarczak-Semczuk et Pawel Florkiewicz à Varsovie, Thomas Escritt à Berlin ; version française Tangi Salaün et Camille Raynaud; édité par Sophie Louet)