par Simon Carraud
PARIS (Reuters) - Faut-il changer de nom ? Revoir la ligne politique ? Abandonner la promesse d'une sortie de l'euro ? L'examen de conscience a commencé sans délai au Front national après la défaite de Marine Le Pen au second tour de l'élection présidentielle, avec un score en deçà de ses espérances (34%).
Face à Emmanuel Macron, le parti d'extrême droite a battu tous ses records en nombre de voix - plus de dix millions - mais n'a pas franchi les 40%, un résultat considéré comme un objectif minimum par certains cadres dirigeants.
"Bien sûr qu'il y a une déception, évidemment", a concédé Marion-Maréchal Le Pen, dimanche, sur France 2. "Il y aura des leçons à tirer, positives, quand même (...), et des leçons aussi peut-être plus négatives."
D'où les interrogations qui se sont exprimées sitôt les premières estimations publiées, en particulier sur le volet européen du programme, au coeur du projet de Marine Le Pen mais aussi des controverses en interne.
"On peut peut-être estimer que nous avons mal su expliquer des aspects difficiles de notre programme", a regretté lundi Pascal Gannat, chef de file du FN au conseil régional des Pays-de-la-Loire, sur France Bleu.
"Je pense particulièrement à la question de l'Europe et particulièrement de l'euro, dont la sortie annoncée a été (...) un épouvantail pour un grand nombre d'électeurs de droite et de gauche", a poursuivi le conseiller régional, qui dit avoir toujours été "circonspect" sur le sujet.
"AGGIORNAMENTO"
Une circonspection partagée par Robert Ménard, élu en 2014 à Béziers avec le soutien du FN.
"Il faut créer un grand mouvement patriote ouvert aux électeurs FN et républicains responsables. Aggiornamento sur l'euro. La victoire est à ce prix", a diagnostiqué sur Twitter ce partisan d'une "union des droites".
Le discours anti-euro, inspiré notamment par le vice-président Florian Philippot, fait depuis longtemps l'objet de discussions dans le parti, où l'on est conscient de l'impopularité d'une telle mesure et des dégâts qu'elle cause dans certaines franges de l'électorat.
Selon un sondage Ifop pour Le Figaro et la Fondation Robert-Schuman paru fin mars, près de trois quarts des Français (72%) se déclarent hostiles à une disparition de la monnaie unique.
Durant l'entre-deux-tours, Marine Le Pen a légèrement infléchi sa position en déclarant qu'il ne s'agissait pas là d'un "préalable" à la mise en oeuvre de sa politique économique - sans faire volte-face sur le fond.
L'idée d'effacer un pan entier du programme frontiste ne plaît pas à tout le monde, notamment parmi les tenants d'une ligne souverainiste.
"Adoucir notre fermeté sur la souveraineté monétaire nous a fait perdre des voix. Y renoncer nous disqualifierait définitivement", a balayé sur Twitter Jean Messiha, membre du petit club des énarques du FN.
"OUTILS NOUVEAUX"
Au-delà, se pose la question du sort du FN, dont Marine Le Pen annoncé dimanche une "transformation profonde" à venir, sans autre précision pour le moment.
Certains dirigeants se sont déclarés favorables à un changement de nom, qui permettrait selon eux de rassembler au-delà des limites traditionnelles du FN.
"J'en suis le partisan", a dit David Rachline, directeur de campagne de la candidate, sur franceinfo. "Nous avons franchi une étape supplémentaire et nous devons nous adapter. Nous sommes en train de nouer un certain nombre d'alliances."
"Il faut des outils nouveaux pour permettre cette rénovation de notre courant de pensée", a poursuivi le maire de Fréjus.
Tous, en revanche, estiment en public que Marine Le Pen reste la mieux placée pour conduire le parti, notamment en vue des législatives de juin, même si sa prestation résolument offensive lors de son débat face à Emmanuel Macron, mercredi, a laissé des traces.
"Si on devait changer de leader à chaque fois qu'on a eu une défaite, on n'aurait pas eu Mitterrand", a par exemple jugé le député Gilbert Collard dimanche, durant la soirée électorale organisée par le FN.
"C'est grâce à Marine Le Pen que nous avons réussi à avoir ce score historique pour notre mouvement. Il est hors de question qu'elle ne soit pas avec nous dans ce combat-là", a renchéri Gaëtan Dussausaye, directeur du Front national de la jeunesse (FNJ).
L'ampleur de l'exercice d'introspection pourrait désormais dépendre du résultat aux prochaines échéances.
Le FN espère se constituer un groupe d'au moins 15 députés, voire beaucoup plus, et revenir en force à l'Assemblée nationale, où sa présence est résiduelle depuis près de 30 ans.
Dimanche, Marine le Pen a dépassé les 50% dans 45 circonscriptions et les 45% dans 111 circonscriptions au total, principalement dans le nord-est et le sud-est.
(Avec Cyril Camu et Ingrid Melander, édité par Yves Clarisse)