Le "compromis historique", voulu par François Hollande avant la fin de l'année sur une réforme du marché du travail, est enterré, le président mettant désormais la pression "en particulier" sur le patronat pour parvenir à un accord en janvier avec les syndicats.
Au lendemain de l'échec du huitième round de discussions, renvoyées au 10 janvier, le président lui-même ne qualifiait plus d'"historique" le compromis tant souhaité, se contentant d'appeler à un "compromis, plus que jamais".
"Je dis aux partenaires sociaux: que l'occasion ne soit pas manquée, et au patronat en particulier, n'attendez pas que la loi fasse ce que les partenaires eux-mêmes n'auraient pas convenu", a-t-il prévenu.
François Hollande a rappelé qu'il avait "fait des choix pour la compétitivité, pour l'emploi", notamment avec le crédit d'impôt pour les entreprises, "il y a un moment où chacun doit prendre sa responsabilité".
Interrogée avant l'intervention du président, la présidente du Medef Laurence Parisot relativisait vendredi matin: "il y a encore un certain nombre d'ajustements, d'équilibres à trouver pour avoir un accord satisfaisant pour les deux parties". Certains sont à trouver aussi dans le camp patronal (Medef, CGPME, UPA), "nous ne sommes pas encore tout à fait calés", reconnaissait la négociatrice de la CGPME, Geneviève Roy.
Du côté des syndicats, la tonalité est beaucoup plus sombre: "ça coince sur la taxation des contrats courts", posée comme condition impérative par quatre syndicats (CFDT, FO, CGT, CFTC), a rappelé le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger.
Amorcées le 4 octobre, les discussions "pour une meilleure sécurisation de l'emploi" visent à concilier deux objectifs: une meilleure protection des salariés et plus de flexibilité pour les entreprises.
Un projet patronal au goût d'"huile de ricin" (CGT)
M. Berger, qui espérait il y a quelques jours encore aboutir jeudi, a lancé un appel au patronat: "il a trois semaines, ce n'est pas long, pour enfin (...) donner des droits supplémentaires aux salariés". "On est dans une passe difficile", a-t-il admis.
Force ouvrière est plus pessimiste encore: "un compromis pour le moment, je ne le sens pas du tout", a réagi Jean-Claude Mailly (FO).
La formule d'"historique" était "maladroite", le président "n'a pas eu raison d'employer ce terme (...) sachant que c'est une négociation très compliquée", estimait-il.
"Je peux retourner la balle au président de la République (...) si eux (l'exécutif) appellent à la flexibilité et préfèrent que ce soit les autres qui la fassent. Chacun ses responsabilités", a poursuivi M. Mailly.
La négociation prend cette tournure car "le Medef voulait nous faire avaler une espèce d'huile de ricin pour les fêtes de fin d'année en révolutionnant le code du travail", a expliqué Bernard Thibault, le patron de la CGT, qui déjà combat un éventuel accord signé par d'autres syndicats.
Pour être validé, un accord ne doit pas rencontrer l'opposition de plus de deux syndicats. Accord ou pas, le gouvernement légifèrera, mais préférerait pouvoir s'appuyer sur un accord large.
Pour l'heure, le projet patronal propose notamment de faciliter les plans sociaux, de durcir les recours en justice contre les licenciements ou encore de créer une forme souple de CDI.
Il prévoit aussi que les entreprises puissent, en cas de difficulté conjoncturelle, adapter temps de travail et salaires par des accords dans les entreprises sans prendre le risque de passer par un plan social.
En contrepartie, de nouveaux droits seraient consentis aux salariés et chômeurs (complémentaire santé pour tous, droits rechargeables à l'assurance-chômage, minimum pour les temps partiels) mais ils sont renvoyés à des négociations ultérieures.