L'hypothèse d'une solution négociée entre la justice et UBS dans l'affaire de démarchage présumé de riches clients pour ouvrir des comptes en Suisse, est désormais évoquée par des observateurs, une issue qui serait une première en France pour un tel dossier.
Dans un rapport sur ses résultats trimestriels paru cette semaine en Suisse, la banque envisage cette piste pour mettre derrière elle les "nombreuses procédures" la visant, notamment en France et en Allemagne: la banque suisse explique que "dans certains cas, le groupe pourrait s'engager dans la voie d'accords négociés", selon un extrait de ce rapport consulté par l'AFP.
La loi française a prévu en 2004 une procédure de "plaider-coupable", la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Depuis 2011, elle est possible dans le cadre d'une information judiciaire à l'initiative des juges d'instruction et avec l'accord du parquet et des parties.
"Une reconnaissance de culpabilité pourrait être envisagée par la maison mère UBS AG. C'est la solution qu'UBS a vécue aux Etats-Unis il y a cinq ans", commente un expert du secteur bancaire français. Encore faut-il qu'elle soit jugée "raisonnable" par la banque, selon cette source.
"Nous n'avons pas été mis en examen pour blanchiment de fraude fiscale. Je n'ai pas trouvé aujourd'hui un cas de fraude organisée par UBS France", relève auprès de l'AFP Jean-Frédéric de Leusse, arrivé à la tête de la filiale française d'UBS juste avant le lancement de l'enquête judiciaire.
Les juges financiers parisiens soupçonnent la banque d'avoir mis en place un système de démarchage illicite de clients en France les incitant à ouvrir des comptes non déclarés en Suisse dans les années 2000.
En plus de les mettre en examen pour ce démarchage illicite, les juges ont placé en juin sous le statut intermédiaire de témoin assisté UBS et sa filiale française pour blanchiment de fraude fiscale.
"Conformité fiscale"
Selon un proche du dossier, UBS n'accepterait pas une reconnaissance de culpabilité sur ce dernier chef. "Ce qu'ils veulent, c'est que l'enquête des juges s'arrête avant d'être accusés de fraude fiscale", analyse une autre source proche du dossier.
Cette solution négociée serait cohérente avec la volonté affichée par la banque de respecter les règles fiscales nationales: les clients français d'UBS en Suisse ont reçu cet automne une lettre de "mise en conformité fiscale", leur expliquant comment se mettre en règle avec le fisc français.
Elle offrirait un répit en France au moment où l'image de la banque est entachée par les enquêtes en Allemagne, l'arrestation en Italie à la demande de la justice américaine de l'ex-dirigeant de la branche gestion de fortune d'UBS Raoul Weil, ou encore des soupçons aux Etats-Unis de participation à des manipulations du marché des changes après le scandale du Libor.
Mais au moment où la fraude fiscale est devenue un sujet politiquement sensible, recourir à une CRPC pourrait faire l'objet de critiques. "Certes, il n'y aurait pas de débat public. Mais par la voie judiciaire, il n'y aurait pas de procès avant un, deux voire trois ans", relève une source proche du dossier. Avec un résultat sans garantie.
"L'exemplarité de la sanction devra passer par le montant de l'amende", relève une autre source. Impossible toutefois d'imaginer en France des sommes approchant les 780 millions de dollars qu'UBS avait accepté de payer aux Etats-Unis en 2009 en échange d'un arrêt des poursuites pour avoir géré des fonds américains non déclarés.
Dans le cadre d'une CRPC, l'amende infligée ne peut excéder celle prévue en cas de procès, soit, dans le cas du démarchage illicite, 375.000 euros pour les personnes physiques (les cadres poursuivis), cinq fois cette somme pour les personnes morales (UBS et sa filiale française).
Bien moins que les 10 millions d'euros infligés en juin par l'autorité de contrôle prudentiel (ACP) pour insuffisance du contrôle des pratiques commerciales susceptibles de relever du blanchiment de fraude fiscale. Une amende record qu'UBS conteste.