Après avoir remodelé en partie le volet controversé sur les professions règlementées, la commission spéciale de l'Assemblée sur le projet de loi Macron doit déminer, en principe d'ici dimanche, d'autres sujets épineux, à commencer par le travail dominical.
Sur ce texte fleuve et hétéroclite de 106 articles, les travaux de la commission, entamés lundi après-midi, doivent se poursuivre sous la houlette des socialistes François Brottes, président, et Richard Ferrand, rapporteur général, jusqu'à la fin de la semaine, week-end compris, pour discuter plus de 800 amendements restants.
La présence de bout en bout du ministre de l'Economie Emmanuel Macron ne suffit pas à satisfaire plusieurs députés, de droite mais aussi de gauche, qui regrettent par exemple l'absence de Christiane Taubira sur les volets touchant la justice ou de Ségolène Royal sur ceux concernant l'écologie.
De l'encouragement aux lignes nationales d'autocars à la simplification du permis de conduire, plusieurs mesures très diverses ont déjà été votées et retouchées. Si certains critiquent un texte "fourre-tout", le Front de Gauche dénonce "une cohérence qui consiste à considérer que tout est une marchandise" et à aller vers "une société à l'anglo-saxonne".
Attendue, la plus forte bataille a été jusqu'alors menée par la droite contre la réforme des professions règlementées, dans le sillage des revendications des notaires, huissiers ou commissaires-priseurs judiciaires. Ses députés, surtout UMP, ont dénoncé des mesures aux airs de "kolkhoze", mais aussi poussant à des "déserts juridiques" et suppressions d'emplois.
Des nouveaux mécanismes tarifaires à la liberté accrue d'installation en passant par l'introduction d'un âge limite de 70 ans, la commission a revu et corrigé plusieurs éléments de ce chapitre, souvent pour l'encadrer davantage. Emmanuel Macron s'en est remis à sa "sagesse", même s'il a laissé percer des réticences sur la suppression du nouveau statut d'avocat en entreprises.
Vent debout contre un texte comparé à un éléphant "qui rentre à 100 à l'heure" dans un magasin de porcelaine, les écologistes ont notamment fustigé des mesures jugées néfastes à l'environnement.
- Duflot la plus virulente -
La plus virulente, l'ex-ministre Cécile Duflot s'est accrochée deux fois avec le ministre, lequel a répliqué en invoquant le souci écologique gouvernemental et les apports du travail parlementaire, mais aussi en parlant de "posture".
Reste à venir l'une des principales pommes de discorde dans la majorité, jusqu'au PS: la nouvelle réforme du travail dominical. La réforme des prud'hommes ou de nouveaux changements des règles de licenciements collectifs passent aussi mal dans une partie de la gauche.
Mais la bataille pourrait être moindre qu'anticipée un temps.
Pour tenter de trouver un compromis, le rapporteur du volet sur le travail du dimanche, Stéphane Travert, socialiste étiqueté "frondeur", va proposer, avec l'aval du gouvernement, des amendements pour imposer des contreparties salariales pour les commerces alimentaires et supprimer les cinq dimanches de plein droit donnés aux commerces.
Et si chacun "garde ses convictions" sur le projet de loi, le Premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis veut croire que "l'état d'esprit a changé" chez certains socialistes après les attentats et manifestations massives. Certains cadres du parti appelleraient aussi en coulisses leurs camarades à être "responsables".
Un membre de la gauche du parti estime, dans cette "période d'apesanteur", que cela empêche de "monter au créneau comme des maboules" et que "des gens vont voter contre, mais moins que ce qu'on pouvait espérer", une trentaine au lieu d'une soixantaine envisagée avant Noël.
A droite, la ligne arrêtée par les présidents de l'UMP Nicolas Sarkozy et de l'UDI Jean-Christophe Lagarde est de s'opposer au texte. Mais elle ne fait pas totalement l'unanimité. "Peut-on ne pas participer à lever des blocages que nous avons nous-mêmes dénoncés" et combattre des dispositions "que nous prendrons quand nous reviendrons au pouvoir", a ainsi demandé cette semaine le libéral Hervé Novelli.
Hors Parlement, certaines voix ont plaidé encore récemment pour le projet de loi. Le commissaire européen aux Affaires économiques Pierre Moscovici a parlé de "pas dans la bonne direction", et le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer a jugé qu'elle devrait susciter "une très large union nationale", avec plusieurs mesures porteuses à ses yeux d'un effet "immédiat" sur l'emploi et la croissance.