par Gregory Blachier
PARIS (Reuters) - Les chauffeurs routiers pourraient perturber l'activité en début de semaine en France par des blocages d'entrepôts et d'axes de circulation prévus dès dimanche soir dans plusieurs régions afin de peser sur les négociations salariales dans les transports.
L'intersyndicale CGT, FO, CFTC et CFE-CGC appelle à des actions dans tout le pays, avec pour "cibles prioritaires" les dépôts pétroliers et de carburants, les centrales d'achats, les grands axes, pour toucher essentiellement "les décideurs".
Le marché de Rungis, près de Paris, où le péage de Saint-Arnoult-en-Yvelines, sur l'A10, où passent chaque heure un millier de camions, devraient être concernés, de même que des sites autour de Roissy et des grandes villes de province.
En tout, "une dizaine de régions sont couvertes", a dit à Reuters Thierry Douine, président de la CFTC Transports.
Trois réunions sont prévues lundi, mardi et jeudi, dans la logistique, le transport de marchandises et enfin celui de voyageurs, la seconde branche étant la plus critique, d'autant qu'aucun accord n'y a été signé depuis 2012.
Les positions des syndicats et du patronat y sont très éloignées après le rendez-vous du 1er décembre, puisque les premiers réclament 5% d'augmentation salariale en moyenne et un 13e mois, entre autres, quand le second proposait 1% de hausse.
Comme la CFDT, premier syndicat du secteur, qui avait mené ses actions seule mi-décembre, les fédérations veulent instaurer un rapport de force, unique solution selon elles pour faire plier les organisations patronales.
"Le fléchissement, je n'y crois pas tant qu'ils n'ont pas le couteau sous la gorge. Dans ce secteur-là, le Père Noël, ça fait longtemps que je n'y crois plus", a dit Thierry Douine.
Les organisations patronales se disent prêtes à un effort supplémentaire mais estiment impossible de satisfaire les demandes des syndicats de salariés qui, eux, dénoncent une prépondérance de salaires horaires en-deça du Smic.
LES PATRONS VONT FAIRE UN GESTE
"Nous, nous allons arriver mardi avec des propositions améliorées par rapport à décembre. On sera entre 1% et 2%", a dit à Reuters Nicolas Paulissen, délégué général de la Fédération nationale du transport routier (FNTR).
"Cinq pour cent, c'est hors de portée des entreprises et c'est complètement en décalage avec la situation. En France, il n'y a aucun secteur capable de donner 5%", a ajouté le dirigeant de la FNTR, qui devrait faire front avec la TLF et l'Unostra, deux autres organisations.
L'OTRE, autre fédération qui réunit essentiellement des PME, est sur une ligne similaire et avait proposé une augmentation entre 1,2% et 1,8% selon le niveau de salaire.
"Aujourd'hui dans les PME, les salariés sont plus inquiets de garder leur emploi en 2015 que de savoir s'ils vont être augmentés de 5%", a fait valoir Gilles Mathelié-Guinlet, secrétaire général de l'OTRE.
Le niveau de mobilisation sera donc un enjeu majeur pour les syndicats, mais ni le responsable de la CFTC ni Jérôme Vérité, secrétaire général de la fédération CGT Transports, ne se risquaient samedi à un pronostic.
"Je pense que le patronat attend de voir la réalité de la mobilisation et j'espère qu'on ne le décevra pas de point de vue là", a dit Jérôme Vérité à Reuters. "Il devrait y avoir entre 40 et 50 points de blocage d'ici mardi."
Le patronat, qui avait jugé l'action de la CFDT en décembre comme un relatif échec, s'attend à une mobilisation limitée. Surtout, pointe l'OTRE, celle-ci est risquée pour les syndicats.
"On ne comprend pas pourquoi il y a ces blocages, puisque dans deux jours il y a négociation. C'est à double tranchant parce que s'ils n'arrivent pas à mobiliser, derrière ils n'auront rien", fait valoir Gilles Mathelié-Guinlet.
S'il ne s'étend pas au-delà de mardi et s'il ne durcit pas, le mouvement ne devrait pas beaucoup peser sur l'activité déjà morose avec des soldes qui ont pâti de la conjoncture et du choc provoqué par les attentats qui ont fait 17 morts en France la semaine dernière.
Sa portée risque en outre d'être limitée par l'absence de la CFDT qui les fait avancer en ordre dispersé. "La CFDT qui est partie seule, ça n'a pas fait du bien au mouvement", reconnaît à regret Thierry Douine, de la CFTC.
(Edité par Tangi Salaün)