Le geste choc du géant de la distribution américain Wal-Mart d'augmenter ses salariés pourrait être le signe tant attendu aux Etats-Unis d'un début d'accélération des salaires dans un marché de l'emploi qui commence à se tendre.
Le numéro un mondial de la distribution a annoncé jeudi qu'il payerait désormais au moins 9 dollars de l'heure près de la moitié de ses effectifs. Cela représente une augmentation pour un demi-million d'employés aux Etats-Unis et c'est 1,75 dollar au-dessus du salaire minimum horaire en vigueur.
Le salaire minimum fédéral américain est bloqué à 7,25 dollars de l'heure depuis bientôt six ans malgré les appels de la Maison Blanche à le relever à 10,10 dollars. Une initiative de l'administration Obama est ainsi gelée par les parlementaires républicains au Congrès, mais près d'une vingtaine d'Etats ont récemment annoncé des hausses de leurs rémunérations minimum, soit en légiférant, soit en posant la question par referendum.
La quasi-absence de hausse de salaires ces dernières années aux Etats-Unis est une des anomalies du boom économique américain alors que la croissance est relativement robuste (+2,4% en 2014) et que le taux de chômage a fondu à 5,7% actuellement, contre 10% fin 2009.
"Voilà une indication que Wal-Mart regarde l'avenir et veut gérer ses problèmes de recrutement. Le groupe veut retenir ses employés", a expliqué à l'AFP l'économiste indépendant Joel Naroff.
Offrir une augmentation à 500.000 salariés "représente beaucoup d'argent (1 milliard de dollars, ndlr) mais le turn-over ou la rotation du personnel coûte aussi très cher", ajoute cet économiste.
Vu la taille du géant de la distribution, son initiative pourrait aussi "créer un plancher dans la structure des salaires" et, la concurrence jouant, être suivie par d'autres employeurs, a encore estimé M. Naroff.
Selon lui, l'initiative de Wal-Mart traduit le fait que les conditions du marché du travail se tendent enfin, donnant davantage de choix aux chercheurs d'emplois qui se tournent vers les offres mieux payées ou assorties de meilleurs avantages sociaux.
Wal-Mart, qui recourt aussi beaucoup aux salariés à temps partiel, voit ce réservoir de travailleurs ayant atteint un pic depuis la crise financière commencer à diminuer.
Avec le retour de la croissance, ces salariés à temps partiel commencent à trouver des emplois à temps plein, affirme Joel Naroff.
- Débrayages -
Doug McMillon, le jeune nouveau directeur général de Wal-Mart, n'a pas dit autre chose jeudi. "Nous voulons que tout le monde soit bien conscient que l'expérience en magasin est vitale pour notre avenir", a lancé M. McMillon, 48 ans, sur la chaîne économique CNBC. "Le caissier d'aujourd'hui est le responsable de magasin de demain et le responsable de demain aura peut-être mon poste", a ajouté celui qui a commencé sa carrière chez le distributeur avec un emploi d'été à l'âge de 18 ans.
Il faut dire que Wal-Mart souffrait d'une image peu flatteuse en termes de gestion du personnel, avec des emplois peu payés et pour beaucoup à temps partiel.
En 2012 et 2013, plusieurs magasins, notamment dans la région de Chicago, ont connu des débrayages et des manifestations, les employés se plaignant de salaires trop bas, d'horaires imprévisibles et d'une gestion du personnel injuste.
"Les problèmes de Wal-Mart ont tourné autour des ruptures de stocks, des longues files d'attente à la caisse, d'un service aux clients peu performant et de nombreux employés mécontents", a résumé Paul Trussell, analyste pour Deutsche Bank.
La stagnation des salaires aux Etats-Unis est dénoncée depuis des mois par de nombreux économistes, notamment dans des études de la Réserve fédérale (Fed). Elle est aussi vue comme un facteur de la faible inflation qui retient la Fed de commencer à normaliser sa politique monétaire.
Encore mercredi, le Comité monétaire de la banque centrale (FOMC) notait dans le rapport de sa dernière réunion de janvier que "la tiède augmentation des salaires, si elle continue, pourrait être un facteur important restreignant les dépenses des ménages".